Foule

De Cinémancie
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Loin de la foule déchaînée.



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Titres des films

Mode d'emploi de la figure (mot) et abréviations


Titre Titre original Réalisation Scénario Année Pays Durée (min.)
Homme dans la Foule (Un) A Face in the crowd Kazan Elia Schulberg B. 1957 USA 125
Loin de la foule déchaînée Far From the Madding Crowd Schlesinger John Raphael F. 1967 Angleterre 168


Autres titres de films

Titre Titre original Réalisation Scénario Année Pays Durée
Andreï Roublev (Voir détail : Andreï Rublyov) Tarkovski Andreï Tarkovski A.
Konchalovsky A.
1969 URSS 215
Grand McLintock (Le) McLintock ! McLaglen Andrew V. Grant J. E. 1963 USA 127


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Photogrammes extraits des films - Analyse et liens spécifiques des films

Andreï Roublev, d’Andreï Tarkovski

La déviation sémantique de la figure de la foule

Il y a dans Andreï Roublev une place importante accordée à la foule, qui agit en fait comme une seule personne, un seul corps avec des centaines d'yeux, et de mains. Mais c'est un corps désordonné, désorienté, désaxé. De plus, ce corps va subir plusieurs métamorphoses, révélatrices d'un autre type d'ascension (c’est la base du film, l’ascension du peintre Andreï Roublev), qui se transforme, ou évolue tantôt en une foule vindicative, hargneuse et sanguinaire, comme dans le prologue, qui nous démontre qu'une passion isolée (le désir de voler d’Efim, le paysan pionnier de l’aérospatial), entreprise loin de la foule, sans son soutien, est une passion désespérée. La foule a la nette impression qu'elle est trahie. (La trahison ultérieure du frère du Grand Prince est relativement acceptée, car elle est compréhensible). Pire encore, la foule a le sentiment qu'elle est ensorcelée. Au fond de ces âges, tout acte inhabituel était considéré comme de la sorcellerie. De plus, le fait que l'acte soit entrepris près d'une église ajoute au sacrilège. Mais nous pouvons supposer qu'Efim avait choisi l'église, parce que c'était l'endroit le plus élevé.

Mais la foule peut aussi se transformer en paysans dociles, joyeux et hospitaliers, c'est l'épisode du Bouffon (IIème épisode) ou de la Fête (IVème épisode), quand des dizaines de mains, au fond d’une nuit slave, pousse dans l’eau une étrange petite barque de procession.(Cf. Photogramme - Foule 1.)


Photogramme - Foule 1 : Andreï Roublev, Plan 143. La foule et l’étrange procession de la petite barque.

Ou encore changer en une foule fugitive, massacrée et martyre, c'est l'épisode de l'invasion tatar (VIème épisode). (Cf. Photogramme – Foule 2.)


Photogramme - Foule 2 : Andreï Roublev, Plan 257. Le peuple résigné, descend une pente. Comparez avec le plan 93, le peuple qui monte la colline, dans la scène de la passion du Christ.


Ce dernier épisode démontre par ailleurs, une division et une dissidence à l'intérieur de la foule et de ses dirigeants : le frère du Grand Prince et ses partisans qui s'allient avec les tatars. Mais à la fin du film, avant l’apothéose de la peinture d’Andreï Roublev, cette foule est aussi capable de s'unir et d'accomplir de grands exploits, comme celui de soulever la grande cloche du dernier épisode (VIIIème épisode). (Cf. Photogramme – Foule 3.)


Photogramme - Foule 3 : Andreï Roublev, Plan 368. L’effort conjugé d’une foule heureuse, afin de faire entendre sa voix, grâce à une cloche.


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La place de la foule dans la passion

Dans le cadre de la figure dynamique de la passion (autre base du film), la place de la foule dans le film nous indique finalement, qu'elle est la cible de la figure de la passion, même plus, elle est le centre par lequel cette figure s'accomplit. Ainsi, par rapport à la Passion de Jeanne d'Arc, Dreyer néglige considérablement la représentation de la foule. [1] Nous sommes en quelque sorte dans la conscience tragique de Jeanne d'Arc. Or, une passion est toujours en rapport avec un groupe, un peuple, une race. L'ambition de Dreyer se situe dans un discours supra-religieux. Chez Tarkovski, le discours tourne autour d'une fusion du peintre Roublev avec la foule. Il sera rarement seul dans le film, pour ne pas dire jamais seul, il est toujours parmi les "siens". La foule est considérée comme un "acteur" important qui aura un rôle-pôle significatif dans le film. Un autre "acteur" insolite qui aura aussi un rôle particulier dans le film, c'est le cheval noir. Il nous semble finalement que ce cheval noir incarne, si l'on ose dire, "l'animalisme humain" de la foule. C'est un thème fréquent dans le cinéma de Tarkovski où il y a une métamorphose animale. [2] Nous l'avons vu avec le chat noir dans Le Miroir ou le chien noir dans Stalker.


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Liens spécifiques du film

Voir : Andreï Roublev


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Voir aussi




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Indications bibliographiques

BON Gustave le, Psychologie des foules, P. U. F., Paris, 1995.
GINNEKEN Jaap van, Crowds, psychology and politics, 1871-1899, Cambridge university press, 1992.
JAN Michel, Le réveil des Tartares : en Mongolie sur les traces de Guillaume de Rubrouck, Éditions Payot-Rivages, Paris, 1998.
MOSCOVICI Serge, L'âge des foules, Éditions Complexe, Bruxelles, 1985.
ROUQUETTE Michel-Louis, Sur la connaissance des masses, P. U. F., Grenoble, 1994.
TARDE Gabriel, L'opinion et la foule, P. U. F., Paris, 1989.

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Notes et références

  1. Quant à Robert Bresson, par le titre de son film, Le Procès de Jeanne d'Arc, il nous semble qu'il est plus près de l'adéquation du titre au film.
  2. Cf. R. Dadoun, op. cit., (à propos d'Incidents de parcours, de George A. Romero) (…) "Entre le handicapé et la guenon (du film), s'établit une étrange symbiose, une osmose même. L'animal se révèle capable de capter les désirs les plus secrets de l'homme et de mettre en exécution ses motions inconscientes (…). L'animal adhère à la structure psychique de l'homme, il en est, littéralement, l'âme damnée." p. 106. M. Estève, op. cit., pp.47-54, notamment p. 49. (…) "Comme chez Bresson, l'animal symbolise ici (Au hasard Balthasar) à la fois l'étonnement résigné et l'impassibilité stoïque d'une conscience primitive confronté avec la méchanceté des hommes." Fernando Cesarman, L'œil de Buñuel, traduit de l'espagnol par Annie Morvan, Editions du Dauphin, Paris, 1982, pp. 54-55, (…) "…Les animaux qui, en raison de leur ressemblance avec l'homme, représentent toujours les pulsions humaines. (…) Ils occupent toujours une place importante pour désigner les passions humaines biologiques, instinctives, liées à la nature." Michel Mesnil, Kenji Mizoguchi, Editions Seghers, Paris, 1965, 1971, (...) "Mizoguchi conçoit l'homme naturellement comme un animal social sinon sociable." p. 37. J. Donner, op. cit.,p. 142.


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