Bélier

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Andreï Roublev, plan 228c. Les tatars devant l’église. Les envahisseurs défoncent avec un bélier en bois la porte de l'église. Au premier plan, la tête du cheval noir.



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Autres titres de films

Mode d'emploi de la figure (mot) et abréviations


Titre Titre original Réalisation Scénario Année Pays Durée
Andreï Roublev (Voir détail : Andreï Rublyov) Tarkovski Andreï Tarkovski A.
Konchalovsky A.
1969 URSS 215


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Photogrammes extraits des films - Analyse et liens spécifiques des films

Andreï Roublev, d’Andreï Tarkovski

Le bélier en bois

Nous sommes devant la énième image du seuil de la mort. Mais cette fois ci, il s'agit d'un seuil collectif : le peuple amassé dans une église. Comparé au bruit de souffle du ballon d'Efim, et au sifflement de la scie vibrante, nous entendons à présent des bruits graves, réguliers et continus provenant des coups du bélier sur la porte de l'église. L'image est, en fait, sans ambiguïté possible : il y a une tentative de pénétration évidente, physique et sexuelle si l'on ose dire. En définitive, la vocation hésitante du prince, le guide à commettre au seuil d'une église, le pire sacrilège, en profanant d'une part l'église, et d'autre part le peuple. L'objet de la profanation, le bélier, illustre l'aspect démoniaque du prince. (Cf. Photogramme - Bélier.) André Virel résume parfaitement la symbolique du bélier : (…) "Générateur du troupeau. Le bélier est aussi la machine qui permet d'abattre les portes et les murs des villes assiégées, donc d'ouvrir la carapace des collectivités." [1] Signalons toutefois que symboliquement, sa force de pénétration est ambivalente : (…) "Elle fertilise, blesse ou tue." [2] On dit, en outre, que lors de la conquête de l'Egypte, on prit Alexandre le Grand pour un (…) "envoyé céleste, car la chevelure du conquérant, relevée sur son front en nattes pointues, le faisait ressembler à un bélier." [3]

Le son du bélier en bois

Non seulement nous allons voir le bélier, mais nous allons aussi l'entendre, longtemps, sans interruption pendant presque trois minutes : bang, …bang, … bang, … Ainsi le son des coups de boutoir du bélier, résonne en écho, comme un roulement de tambour lent, lointain et archaïque.(Cf. Photogramme – Bélier.) Cela ressemble aussi au dernier roulement de tambour avant l'exécution. [4] A un moment donné, l'agitation générale baisse et toutes les attentions se tournent vers le bélier en action.

L'homme-centaure

Et, c'est à ce moment précis, que le chef tatar couvre son cheval d'une cape claire. Pour lui, les sabots du cheval sont ses pieds : le cheval et l'homme sont confondus. Le cheval devient un prolongement de l'homme. Comment ne pas penser à la figure mythologique du centaure ? D'ailleurs, dès son apparition le chef tatar ne quitte pas un instant son cheval depuis le gué au plan 187. Il se trouve très bien sur son cheval pour réaliser les tâches qui lui incombent : il va vite et, donc insaisissable, il est haut ce qui lui permet de regarder au loin. Mais le problème est qu'il est dominé par l'instinct. Les centaures sont (…) "ces êtres monstrueux de la mythologie grecque, dont la tête, les bras et le buste sont d'un homme, le reste du corps et les jambes d'un cheval. Les centaures habitent avec leurs femelles les centauresses ; dans les forêts et les montagnes, ils se nourrissent de chair crue ; ils ne peuvent boire du vin sans s'enivrer ; ils sont très portés à enlever et à violer les femmes. Ils apparaissent généralement en troupeau : c'est "la bête en l'homme", innombrable." [5] "Ils sont l'image frappante de la double nature de l'homme, l'une bestiale, l'autre divine." [6]

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Liens spécifiques du film

Voir : Andreï Roublev



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Notes et références

  1. André Virel, Histoire de notre image, Genève, 1965, p. 174.
  2. Chevalier/Gherrbrant, Dictionnaire des Symboles, Editions Robert Laffont, (1969) 1982, p. 115.
  3. J.- M. Pedrazzani, Le mystérieux sixième sens des animaux, Editions Belfond, Paris, 1980.
  4. Une scène comparable nous est livrée par Stanley Kubrick dans Shining (1980), scène qui annonce le drame du film : l'enfant roule avec une petite voiture à pédales, alternativement sur des tapis et un parquet en bois, le son rappelant un roulement de tambour avant l'exécution.
  5. Paul Diel, Le symbolisme dans la mythologie grecque, préface de Gaston Bachelard, Paris, (1952) 1966.
  6. Guy de Tervarent, Attributs et symboles dans l'art profane 1450-1600, Genève, 1959, p. 64.


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