« Thèse:Introduction:La méthode de l'arbre cinémantique » : différence entre les versions

Aller à la navigation Aller à la recherche
Ligne 116 : Ligne 116 :
====Poésie et prophétie====
====Poésie et prophétie====


Commençons d'abord par un constat. Dans l'antiquité grecque, les particuliers ou les membres d'une cité consultaient la pythie de Delphes, soit pour poser des questions d'ordre privé, mariage, achat de propriété, voyage, etc., soit pour poser des questions d'ordre public ; par exemple, aucune cité grecque ne partait en guerre sans une consultation préalable de l'oracle de Delphes. A la question posée, les prêtres de Delphes : […] "recueillaient les paroles incohérentes, entrecoupées d'exclamations et de convulsions de la pythie, et les interprétaient au mieux de la situation; puis ils rédigeaient l'oracle en vers. On n'admit la prose qu'à l'époque romaine."<ref>Nouveau Larousse Illustré, article "oracle".</ref> D'autre part, comme pour William Blake nous voyons un rapport entre la poétique et le prophétique<ref>Cf. thèse (non publiée) de doctorat en médecine de Brigitte Lascazes, Voyances et prophéties, 1983, Université de Bordeaux II. Internet : http://psiland.free.fr/savoirplus/theses/theses.html</ref> et nous espérons le démontrer. On peut en effet rapporter l'idée du poète au cinéma: (…)" N'était l'Esprit Poétique ou Prophétique, l'Esprit philosophique et Expérimental en arriverait bientôt à la rationalisation de toutes choses, et resterait immobile, incapable de faire rien d'autre que de décrire toujours le même cercle monotone".<ref>William Blake, "tome III" , traduction de Pierre Leyris, Editions Aubier/Flammarion, Paris, p.46-47. […] "If it were not for the Poetic or Prophetic character the Philosophic & Experimental would soon be at the ratio of all things, & stand still, unable to do other than repeat the same dull round over again" (There is no Natural Religion).</ref> La poésie se situe toujours dans un absolu, qui joue paradoxalement avec des contraires relatifs. C'est une union étrange et troublante de deux ou de plusieurs contraires, une alliance antithétique.<ref>Dans le registre de la fabrication filmique, nous ne pouvons pas nous empêcher de penser à Paul Valéry quand il propose le terme "poïétique", selon son étymologie, "le faire", le poiein, c'est : […] "tout ce qui a trait à la création et à la composition d'ouvrages dont le langage est à la fois la substance et le moyen – et point au sens restreint de recueil de règles ou de préceptes esthétiques concernant la poésie." Paul Valéry, Introduction à la poétique, Editions Gallimard, Paris, 1938, p. 13. Cf. également sur ce point, René Passeron, Pour une philosophie de la création, Editions Klincksieck, Paris, 1988. Et, sous la direction de René Passeron, Recherches Poïétiques, Editions Klincksieck, 4 tomes, 1975 – 1985.</ref>
Commençons d'abord par un constat. Dans l'antiquité grecque, les particuliers ou les membres d'une cité consultaient la pythie de Delphes, soit pour poser des questions d'ordre privé, mariage, achat de propriété, voyage, etc., soit pour poser des questions d'ordre public ; par exemple, aucune cité grecque ne partait en guerre sans une consultation préalable de l'oracle de Delphes. A la question posée, les prêtres de Delphes : (...) "recueillaient les paroles incohérentes, entrecoupées d'exclamations et de convulsions de la pythie, et les interprétaient au mieux de la situation; puis ils rédigeaient l'oracle en vers. On n'admit la prose qu'à l'époque romaine."<ref>''Nouveau Larousse Illustré'', article "oracle".</ref> D'autre part, comme pour William Blake nous voyons un rapport entre la poétique et le prophétique<ref>Cf. thèse (non publiée) de doctorat en médecine de Brigitte Lascazes, Voyances et prophéties, 1983, Université de Bordeaux II. Internet : http://psiland.free.fr/savoirplus/theses/theses.html</ref> et nous espérons le démontrer. On peut en effet rapporter l'idée du poète au cinéma: (…)" N'était l'Esprit Poétique ou Prophétique, l'Esprit philosophique et Expérimental en arriverait bientôt à la rationalisation de toutes choses, et resterait immobile, incapable de faire rien d'autre que de décrire toujours le même cercle monotone".<ref>'''William Blake''', "tome III" , traduction de Pierre Leyris, Editions Aubier/Flammarion, Paris, p.46-47. […] "If it were not for the Poetic or Prophetic character the Philosophic & Experimental would soon be at the ratio of all things, & stand still, unable to do other than repeat the same dull round over again" (There is no Natural Religion).</ref> La poésie se situe toujours dans un absolu, qui joue paradoxalement avec des contraires relatifs. C'est une union étrange et troublante de deux ou de plusieurs contraires, une alliance antithétique.<ref>Dans le registre de la fabrication filmique, nous ne pouvons pas nous empêcher de penser à Paul Valéry quand il propose le terme "poïétique", selon son étymologie, "le faire", le poiein, c'est : (...) "tout ce qui a trait à la création et à la composition d'ouvrages dont le langage est à la fois la substance et le moyen – et point au sens restreint de recueil de règles ou de préceptes esthétiques concernant la poésie." '''Paul Valéry''', ''Introduction à la poétique'', Editions Gallimard, Paris, 1938, p. 13. Cf. également sur ce point, '''René Passeron''', ''Pour une philosophie de la création'', Editions Klincksieck, Paris, 1988. Et, sous la direction de René Passeron, ''Recherches Poïétiques'', Editions Klincksieck, 4 tomes, 1975 – 1985.</ref>


Il en est ainsi du cinéma d'Andreï Tarkovski qui nous offre des citations et des images poétiques abondantes. Il s'inscrit presque toujours dans une logique prophétique, comme une mission à accomplir. Comme par exemple, la mission d'Andreï Roublev ou du poète invisible dans Le Miroir, celle du Stalker ou du poète Andreï Gortchakov dans Nostalgia. Dans ces écrits, il cite Pouchkine "qui investissait le poète du rôle de prophète."<ref>Andreï Tarkovski, Le Temps Scellé, op. cit., p. 37.</ref> Dans le même livre, il y a un chapitre entier intitulé: "Prédestination et Destin". Toutefois, il ne parle pas de la poésie comme d'un genre. Mais bien plutôt comme une vision du monde: "Une façon particulière d'aborder la réalité."<ref>Op. cit., p. 23</ref> Deux choses intéressent Andreï Tarkovski : […] "La liaison et la logique poétique au cinéma. (…) Les liaisons poétiques apportent davantage d'émotion et rendent le spectateur plus actif, il peut participer à une authentique découverte de la vie."<ref>Op. cit., p. 22</ref> Ce qui nous semble pertinent dans cette conception du cinéma, c'est que la réalisation et le développement filmique s'effectuent presque exclusivement à partir de l'image cinématographique, et non pas comme nous pouvons le constater couramment, à partir de l'histoire du film. D'ailleurs ce n'est principalement qu'à partir de ce constat majeur, "la primauté de l'image sur l'histoire", que nous pouvons parler d'un cinéma poétique.
Il en est ainsi du cinéma d'[[Tarkovski Andreï|Andreï Tarkovski]] qui nous offre des citations et des images poétiques abondantes. Il s'inscrit presque toujours dans une logique prophétique, comme une mission à accomplir. Comme par exemple, la mission d'[[Andreï Roublev]] ou du poète invisible dans ''[[Miroir (Le)|Le Miroir]]'', celle du ''[[Stalker]]'' ou du poète Andreï Gortchakov dans ''[[Nostalgia]]''. Dans ces écrits, il cite Pouchkine "qui investissait le poète du rôle de prophète."<ref>'''Andreï Tarkovski''', ''Le Temps Scellé'', ''[[Thèse:Bibliographie#ancre_1|op. cit.]]'', p. 37.</ref> Dans le même livre, il y a un chapitre entier intitulé: "Prédestination et Destin". Toutefois, il ne parle pas de la poésie comme d'un genre. Mais bien plutôt comme une vision du monde: "Une façon particulière d'aborder la réalité."<ref>''Ibid.'', p. 23</ref> Deux choses intéressent Andreï Tarkovski : (...) "La [[Liaison cinématographique)|liaison]] et la logique poétique au cinéma. (…) Les liaisons poétiques apportent davantage d'émotion et rendent le spectateur plus actif, il peut participer à une authentique découverte de la vie."<ref>''Ibid.'', p. 22</ref> Ce qui nous semble pertinent dans cette conception du cinéma, c'est que la réalisation et le développement filmique s'effectuent presque exclusivement à partir de l'image cinématographique, et non pas comme nous pouvons le constater couramment, à partir de l'histoire du film. D'ailleurs ce n'est principalement qu'à partir de ce constat majeur, "la primauté de l'image sur l'histoire", que nous pouvons parler d'un cinéma poétique.


Le cinéma avant d'être une histoire est une succession d'images, et c'est de là que surgit la poétique de sa représentation. Dès son origine, dès ses premiers films, le cinéma présentait des images, des images "muettes". Et ces images étaient déjà de la poésie. Mais est-ce que la poésie des frères Lumière était une prophétie ? Nous pouvons en partie répondre par l'affirmative. Par exemple, dans La sortie des usines (1895), nous voyons une foule qui sort d'une grande usine sombre à travers d'énormes portes. Elle accède à la lumière et à la joie et nous pouvons y voir le signe avant-coureur des grandes transformations du siècle : transformation politique avec la réduction considérable du temps de travail ; transformation technique avec l'apparition et le remplacement des hommes par les robots.<ref>Comme le sera plus tard Temps Modernes (1936) de Charles Chaplin.</ref> D'autre part, nous ne pouvons pas non plus négliger le titre du film, La sortie des usines, qui suggère en substance nos constatations: la fin des usines. Dans un film, tout est à prendre en considération, son titre<ref>Cf. M. Estève, op. cit., p. 47.</ref> en premier. Il en sera également de même avec le film de Georges Méliès, Le voyage dans la lune (1902) qui n'a pas besoin de commentaire. La liste risque d'être relativement longue. Bien entendu, cette interprétation risque d'être réductrice voire excessive. Mais elle indique de ce fait la visée de notre objectif. Nous avons mis ces exemples en avant, pour montrer qu'une image porte en elle des germes de l'avenir. La cinémancie est une étude qui va mettre en lumière l'évolution de ces germes. Toutefois il nous reste encore à parler d'une notion ambiguë est incontournable, il s'agit du "symbole".
Le cinéma avant d'être une histoire est une succession d'images, et c'est de là que surgit la poétique de sa représentation. Dès son origine, dès ses premiers films, le cinéma présentait des images, des images "muettes". Et ces images étaient déjà de la poésie. Mais est-ce que la poésie des frères Lumière était une prophétie ? Nous pouvons en partie répondre par l'affirmative. Par exemple, dans ''La sortie des Usines'' (1895), nous voyons une [[foule]] qui sort d'une grande usine sombre à travers d'énormes portes. Elle accède à la lumière et à la joie et nous pouvons y voir le signe avant-coureur des grandes transformations du siècle : transformation politique avec la réduction considérable du temps de travail ; transformation technique avec l'apparition et le remplacement des hommes par les robots.<ref>Comme le sera plus tard '''Temps Modernes''' (1936) de Charles Chaplin.</ref> D'autre part, nous ne pouvons pas non plus négliger le titre du film, ''La sortie des Usines'', qui suggère en substance nos constatations: la fin des usines. Dans un film, tout est à prendre en considération, son titre<ref>Cf. '''M. Estève''', ''[[Thèse:Bibliographie#ancre_3|op. cit.]]'', p. 47.</ref> en premier. Il en sera également de même avec le film de Georges Méliès, ''Le voyage dans la Lune'' (1902) qui n'a pas besoin de commentaire. La liste risque d'être relativement longue. Bien entendu, cette interprétation risque d'être réductrice voire excessive. Mais elle indique de ce fait la visée de notre objectif. Nous avons mis ces exemples en avant, pour montrer qu'une image porte en elle des germes de l'avenir. La cinémancie est une étude qui va mettre en lumière l'évolution de ces germes. Toutefois il nous reste encore à parler d'une notion ambiguë est incontournable, il s'agit du "symbole".


<center>* * *</center>
<center>* * *</center>

Menu de navigation