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Ce court plan nous révèle deux indices. Le premier indice est la [[génuflexion]] involontaire de l'Écrivain. Le second indice c'est la raillerie de l'Écrivain, sur "la flotte". En effet, cela n'est que le début, comme nous allons le voir, il sera souvent mouillé. (Cf. '''[[Eau# | Ce court plan nous révèle deux indices. Le premier indice est la [[génuflexion]] involontaire de l'Écrivain. Le second indice c'est la raillerie de l'Écrivain, sur "la flotte". En effet, cela n'est que le début, comme nous allons le voir, il sera souvent mouillé. (Cf. '''[[Eau#L'eau dans Stalker d’Andreï Tarkovski|Photogramme - Eau 9.]]''') | ||
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'''<span id="ancre_22">Plan</span> 22''' : Sur une voie ferrée et derrière un large portail doublement grillagé, apparaît le complice, il ouvre le portail afin de laisser passer une grosse locomotive, elle est aussitôt poursuivie par la jeep qui emprunte également la voie ferrée et sort dans la même direction que la locomotive. | |||
Un fait singulier va nous intéresser : | |||
'''<span id="ancre_23">Plan</span> 23''' : Gros plan du complice, mégot aux lèvres, il regarde la jeep s’éloigner. Il recule en refermant le portail, il se retourne et court sur la voie où il trébuche et manque de tomber. (Cf. '''Photogramme – Trébuchement 2.''') | |||
C’est le second trébuchement dans le film, et ce n’est pas le dernier. Andreï Tarkovski exploite cette figure afin de souligner la part d’hésitation de la part du protagoniste. En quelques secondes, il intensifie la charge de l’interdit. Il montre de la sorte que le complice a peur. | |||
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====Le second trébuchement de l’Écrivain==== | |||
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[[Fichier: Stalker_Tarkovski_Plan_51_Zone_c_E_trebuche.jpg|300px|thumb|right| alt='''Photogramme - Trébuchement 3''', ''Stalker'' : '''Plan 51c.''' L’Écrivain fait à peine quelques pas, qu’il manque, encore, de tomber. |'''Photogramme - Trébuchement 3''', ''[[Stalker]]'' : '''[[Stalker#ancre_51cp|plan 51c.]]''' L’Écrivain fait à peine quelques pas, qu’il manque, encore, de tomber, autre indice d’inquiétude.]] | |||
'''<span id="ancre_51">Plan</span> 51''' : ''46' 13"'' : Les trois hommes regardent partir la draisine, l’Écrivain et le Professeur n’ont pas l’air très rassuré. (Cf. '''Photogramme – 29.''') | |||
- L’Écrivain : «'' Comment reviendrons-nous ? '' <br/> | |||
- Stalker : '' Ici, on ne revient pas… '' <br/> | |||
- L’Écrivain : '' Comment ça ? '' <br/> | |||
- Stalker : '' Nous irons comme convenu. Chaque fois, j’indiquerais la direction. '' (Entre temps, un des écrous tombe, indice d’inquiétude.) ''Il est dangereux de s’en écarter. '' (Il le ramasse.) (Cf. '''Photogramme – 30.''') '' Le premier point de repère est ce dernier poteau… Passez le premier, Professeur. '' (Le Professeur de dos commence à marche.) ''A vous maintenant. '' (L’Écrivain suit le Professeur.) ''Marchez bien dans les traces. ''» <br/> | |||
L’Écrivain fait à peine quelques pas, qu’il manque, encore, de tomber, autre indice d’inquiétude. Il se ressaisit vite. (Cf. '''Photogramme – Trébuchement 3.''') | |||
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====Le troisième trébuchement de l’Écrivain==== | |||
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[[Fichier: Stalker_Tarkovski_Plan_52_Zone_b_E_trebuchement.jpg||300px|thumb|right| alt='''Photogramme - Trébuchement 4''', ''Stalker'' : '''Plan 53.''' L’Écrivain passe près du Stalker, se retenant à lui pour ne pas glisser.|'''Photogramme - Trébuchement 4''', ''[[Stalker]]'' : '''[[Stalker#ancre_54|plan 53.]]''' L’Écrivain passe près du Stalker, se retenant à lui pour ne pas glisser.]] | |||
'''<span id="ancre_52">Plan</span> 52''' : ''47' 30"'' : Travelling avant sur un petit bus envahit d’herbes. La caméra s’avance dans l’encadrement d’une fenêtre brisée. On discerne à l’arrière du véhicule, une silhouette sombre. A travers l’encadrement de la fenêtre arrière, vont apparaître, d’abord, le Stalker, ensuite, le Professeur, et enfin, l’Écrivain. Comme les autres, l’Écrivain observe le véhicule : « ''Mon Dieu, mais où sont ? … Alors ils serait restés ici ? Des gens ? '' (On distingue au fond un groupe de chars de combat.)<br/> | |||
- Stalker : '' Qui sait ? Ils sont montés à la gare, chez nous… Pour arriver ici dans la Zone. J’étais encore gosse. Les gens croyaient qu’on voulait nous envahir ! '' (Il lance un écrou lesté) ''C’est à vous, Professeur. '' (Le Professeur disparaît dans la pente) ''Votre tour, l’Écrivain. '' » Ce dernier passe près du Stalker, se retenant à lui pour ne pas glisser. (Cf. '''Photogramme – Trébuchement 4.''') Troisième déséquilibre de la part de l’Écrivain ! | |||
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====Le trébuchement du Professeur==== | ====Le trébuchement du Professeur==== | ||
Aussitôt après la fin du poème, au '''<span id="ancre_69">plan</span> 69''', le Professeur trébuche. Ses compagnons l'aident à se relever. Le Stalker lui dit : "''Ne nous portez pas malheur.''" Voilà que le Stalker devient [[Superstition|superstitieux]] (…) : "Le faux pas, qui contrarie l'ordre des choses, symbolise un obstacle tout en mettant dans une posture délicate, passe généralement pour un mauvais présage. L'origine de cette croyance remonterait à un temps où le manque de tenue, même involontaire, était très sévèrement jugée. (…) Trébucher en partant en voyage ou en débutant une entreprise devrait inciter à modifier ses projets." <ref>'''Éloïse Mozzani''', ''Le livre des Superstitions'', ''[[Thèse:Bibliographie#ancre_12|op. cit.]]'', p. 1728. Par ailleurs, cf., '''J. Donner''', dans ''La Nuit des forains'' (1953) Frost (le clown) dans l'eau qui trébuche devant Alma et les officiers. Ces derniers ont défiés Alma de se baigner nue avec eux. ''[[Thèse:Bibliographie#ancre_3|Op. cit.]]'', p. 49. </ref> | <span id="ancre_69p"> </span> | ||
[[Fichier: Stalker_Tarkovski_Plan_69_Trébuchement Professeur.jpg|300px|thumb|right| alt='''Photogramme - Trébuchement 5''', ''Stalker'' : '''Plan 69.''' Le Professeur trébuche. Les deux autres le relève : « '' Ne nous portez pas malheur. '' »|'''Photogramme - Trébuchement 5''', ''[[Stalker]]'' : '''[[Stalker#ancre_69p|plan 69.]]''' Le Professeur trébuche. Les deux autres le relève : « '' Ne nous portez pas malheur. '' » ]] | |||
Aussitôt après la fin du poème, au '''<span id="ancre_69">plan</span> 69''', le Professeur trébuche. Ses compagnons l'aident à se relever. Le Stalker lui dit : "''Ne nous portez pas malheur.''" (Cf. '''Photogramme – Trébuchement 5.''') Voilà que le Stalker devient [[Superstition|superstitieux]] (…) : "Le faux pas, qui contrarie l'ordre des choses, symbolise un obstacle tout en mettant dans une posture délicate, passe généralement pour un mauvais présage. L'origine de cette croyance remonterait à un temps où le manque de tenue, même involontaire, était très sévèrement jugée. (…) Trébucher en partant en voyage ou en débutant une entreprise devrait inciter à modifier ses projets." <ref>'''Éloïse Mozzani''', ''Le livre des Superstitions'', ''[[Thèse:Bibliographie#ancre_12|op. cit.]]'', p. 1728. Par ailleurs, cf., '''J. Donner''', dans ''La Nuit des forains'' (1953) Frost (le clown) dans l'eau qui trébuche devant Alma et les officiers. Ces derniers ont défiés Alma de se baigner nue avec eux. ''[[Thèse:Bibliographie#ancre_3|Op. cit.]]'', p. 49. </ref> | |||
Soulignons le fait qu'au [[#ancre_1|plan 15]], lorsque l'Écrivain accompagne le Stalker au bar, il monte les marches de l'escalier, glisse et tombe un genou à terre, il dit en râlant : "''C'est plein de flotte ici.''" A ce moment-là, le Stalker ne dit rien. Ce n'est que dans la Zone qu'il est attentif aux gestes de ces compagnons. L'Écrivain sent que le Professeur défaille, puisqu'il demande au Stalker : (dans un endroit de la Zone où ils ont de…l'eau jusqu'aux chevilles.) : " ''Mais où est le Professeur. (…) (il) a disparu.''" (Plan 72.) Le trébuchement du Professeur nous relie de nouveau au sac. Car c'est le moment où il le perd, et en le perdant, il perd son vœu le plus cher : détruire [[Chambre#"La chambre des Désirs"|"la chambre des désirs"]]. Non seulement le Professeur va défaillir (en ne voulant plus s'engager dans la Zone), il va aussi disparaître. Mais pas pour longtemps, puisqu'il réapparaît au plan 74. Le Stalker lui dit : "''Comment êtes-vous arrivé ?''" Il répond : "''Une grande partie du chemin… Je l'ai fait à quatre pattes.''" <ref>Cf. '''Gerstenkorn et Strueder''', ''[[Thèse:Bibliographie#ancre_2|op. cit.]]'', p. 78. </ref> C'est-à-dire, sur les mains et les genoux. Comme un nouveau-né ! D'ailleurs peu après, aux plans 76 et 78, les paroles du Professeur vont prendre "forme". En effet, au moment du repos du groupe, le Professeur essaie de trouver une manière confortable pour s'asseoir, il plie les genoux et pose la tête sur son sac. Il n'est plus un nouveau-né, mais un fœtus, "le fœtus de la Zone". (…) "Les bambaras appellent le genou le"nœud du bâton de la tête", et y établissent le siège du pouvoir politique." <ref>'''Zahan Dominique''', ''Sociétés d'initiation Bambara'', Le N'Domo, le Kore, Paris-La Haye, 1960. </ref> "Ils rejoignent en cela de nombreuses traditions anciennes qui font du genou "le siège principal de la force du corps… le symbole de l'autorité de l'homme et de sa puissance sociale." <ref>'''Lanao-Villene G.''', ''Le livre des symboles'', 6 vol. 6, 1, 26. | Soulignons le fait qu'au [[#ancre_1|plan 15]], lorsque l'Écrivain accompagne le Stalker au bar, il monte les marches de l'escalier, glisse et tombe un genou à terre, il dit en râlant : "''C'est plein de flotte ici.''" A ce moment-là, le Stalker ne dit rien. Ce n'est que dans la Zone qu'il est attentif aux gestes de ces compagnons. L'Écrivain sent que le Professeur défaille, puisqu'il demande au Stalker : (dans un endroit de la Zone où ils ont de…l'eau jusqu'aux chevilles.) : " ''Mais où est le Professeur. (…) (il) a disparu.''" (Plan 72.) Le trébuchement du Professeur nous relie de nouveau au sac. Car c'est le moment où il le perd, et en le perdant, il perd son vœu le plus cher : détruire [[Chambre#"La chambre des Désirs"|"la chambre des désirs"]]. Non seulement le Professeur va défaillir (en ne voulant plus s'engager dans la Zone), il va aussi disparaître. Mais pas pour longtemps, puisqu'il réapparaît au plan 74. Le Stalker lui dit : "''Comment êtes-vous arrivé ?''" Il répond : "''Une grande partie du chemin… Je l'ai fait à quatre pattes.''" <ref>Cf. '''Gerstenkorn et Strueder''', ''[[Thèse:Bibliographie#ancre_2|op. cit.]]'', p. 78. </ref> C'est-à-dire, sur les mains et les genoux. Comme un nouveau-né ! D'ailleurs peu après, aux plans 76 et 78, les paroles du Professeur vont prendre "forme". En effet, au moment du repos du groupe, le Professeur essaie de trouver une manière confortable pour s'asseoir, il plie les genoux et pose la tête sur son sac. Il n'est plus un nouveau-né, mais un fœtus, "le fœtus de la Zone". (…) "Les bambaras appellent le genou le"nœud du bâton de la tête", et y établissent le siège du pouvoir politique." <ref>'''Zahan Dominique''', ''Sociétés d'initiation Bambara'', Le N'Domo, le Kore, Paris-La Haye, 1960. </ref> "Ils rejoignent en cela de nombreuses traditions anciennes qui font du genou "le siège principal de la force du corps… le symbole de l'autorité de l'homme et de sa puissance sociale." <ref>'''Lanao-Villene G.''', ''Le livre des symboles'', 6 vol. 6, 1, 26. Bordeaux-Paris, 1926-1935. </ref> "De là le sens des expressions : plier le genou = faire acte d'humilité ; faire plier les genoux = imposer sa volonté à quelqu'un, voir le tuer ; etc." <ref>'''Chevalier/Gherrbrant,''' ''Dictionnaire des Symboles'', ''[[Thèse:Bibliographie#ancre_12|op. cit.]]'',p. 476</ref> | ||
Chez Tarkovski, les êtres et les objets ont une tendance irrésistible de se courber vers la terre. Nous l'avons vu avec l' | Chez Tarkovski, les êtres et les objets ont une tendance irrésistible de se courber vers la terre. Nous l'avons vu avec l'Écrivain et le Professeur, mais le Stalker aussi exprime cette attirance. En effet, au plan 47, le Stalker se détache du groupe, il est au milieu des herbes hautes, il s'agenouille et il s'allonge de tout son long dans les herbes, ventre contre terre. En témoignage de quoi ? En signe de vénération ou de respect? Ou par peur ? Par soumission ? Ou par adoration ? Par ailleurs, cette attraction est particulièrement représentée dans la partie suivante. | ||
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====Le | ====Le quatrième trébuchement de l’ Écrivain==== | ||
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[[Fichier: Stalker_Tarkovski_Plan_98_tunnel _03_Ecrivain tombe.jpg|300px|thumb|right| alt='''Photogramme - Trébuchement 6''', ''Stalker'' : '''Plan 98a.''' Quelques pas plus loin, l’Écrivain heurte quelque chose et tombe. |'''Photogramme - Trébuchement 6''', ''[[Stalker]]'' : '''[[Stalker#ancre_98ap|plan 98a.]]''' Quelques pas plus loin, l’Écrivain heurte quelque chose et tombe.]] | |||
L’Écrivain s’engage dans le tunnel. Le Stalker fait signe au Professeur de s’éloigner. Tous deux, s’éloignent de l’entrée qui reste vide. | |||
'''<span id="ancre_98">Plan</span> 98''' : ''1h 30' 48"'' : De dos, l’Écrivain avance dans le tunnel sombre. Bruit de sa respiration. A un moment, il est presque hors de vue. | |||
- Stalker : (off) ''Plus vite, Professeur ! '' | |||
Le Professeur entre de dos, en courant. Suivi du Stalker affolé. Le Professeur s’arrête, le Stalker se place derrière lui, s’accrochant à la veste du Professeur. L’Écrivain continue son avancée à pas de loups. Il n’est pas très rassuré. Le Stalker et le Professeur le poursuivent à leur tour, et s’arrêtent. Quelques pas plus loin, l’Écrivain heurte quelque chose et tombe. (Cf. '''Photogramme – Trébuchement 6.''') | |||
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====Le cinquième trébuchement de l’ Écrivain==== | |||
<span id="ancre_130p"></span>[[Fichier:trebuchementp2.jpg|300px|thumb|right|alt='''Photogramme - Trébuchement 7''', ''Stalker'' : '''Plan 130'''. L'Écrivain en déséquilibre au seuil de "la Chambre des Désirs", il est retenu au dernier instant par le Stalker.|'''Photogramme - Trébuchement 7''', ''[[Stalker]]'' : '''[[Stalker#ancre_130p|plan 130.]]''' L'Écrivain en déséquilibre au seuil de "la Chambre des Désirs", il est retenu au dernier instant par le Stalker. ]] | |||
Au '''<span id="ancre_130">plan</span> 130''' : l'Écrivain comprend que dans "la chambre" : "''seuls les vœux les plus sacrés sont exaucés… (…)'' " Cependant, un petit incident intéressant conclut l'analyse de l'Écrivain. En effet, à la fin de son discours, il se retourne vers le seuil de "la chambre", et se penche en avant, comme s'il voulait saisir le mystère de "la chambre". Mais il est à cet instant en déséquilibre, et manque de tomber au-delà du seuil. Le Stalker l'aide en le tirant en arrière par le manteau. (Cf. '''Photogramme – Trébuchement 7.''') | |||
L'Écrivain s'affaisse et reste assis à terre, visiblement heureux de n'être pas tombé dans "la chambre". Il s'agit encore d'un trébuchement, le troisième dans le film, et que ce petit incident semble finalement contredire le véritable désir de l'Écrivain. On peut dire une chose et faire son contraire. Ainsi à la fin de leur périple dans la zone, que peut-on déduire ? L’Écrivain ne veut pas entrer dans la chambre : "''je ne déverserai pas sur la tête d'autrui... toutes les saletés de mon âme, pour me pendre ensuite comme [[Porc-épic (''Stalker'')|Porc-épic]]. Je préfère me noyer dans l'alcool à notre Club des Écrivains''." (Plan 130.) | |||
Version du 23 janvier 2013 à 15:09
Autres titres de films
Mode d'emploi de la figure (mot) et abréviations
Titre | Titre original | Réalisation | Scénario | Année | Pays | Durée |
---|---|---|---|---|---|---|
Andreï Roublev §. La figure du drap plié en cloche. |
Andreï Rublyov | Tarkovski Andreï | Tarkovski A. Konchalovsky A. |
1969 | URSS | 215 |
Gran Torino | Gran Torino | Eastwood Clint | Johannson D. Schenck N. |
2009 | USA | 116' |
Homme qui vendit son âme (L’) | Homme qui vendit son âme (L’) | Paulin Jean-Paul | Méré Charles, Paulin Jean-Paul | 1943 | France | 99 |
Mathilde §. Le trébuchement de Mathilde. |
Mathilde | Mimica Nina | Mimica Nina | 2004 | Italie, Espagne, Angleterre, Allemagne | 97 |
Nostalghia §. Le trébuchement de la Traductrice. |
Nostalghia | Tarkovski Andreï | Tarkovski A. Guerra T. |
1983 | URSS Italie |
130 |
Stalker | Stalker | Tarkovski Andreï | Tarkovski A. Strougatski A. et B. |
1979 | URSS | 161 |
Photogrammes extraits des films - Analyse et liens spécifiques des films
Stalker, d’Andreï Tarkovski
Le trébuchement de l'Ecrivain
Plan 15: 14' 55" : Le Stalker et l'Écrivain se rendent au bar, ils sont attendus par le Professeur. Avant d'entrer dans le bar, et en montant les quelques marches d'un escalier, l'Écrivain trébuche, glisse et tombe un genou à terre : "(râlant) C'est plein de flotte ici.". (Cf. Photogramme – Trébuchement 1. )
Ce court plan nous révèle deux indices. Le premier indice est la génuflexion involontaire de l'Écrivain. Le second indice c'est la raillerie de l'Écrivain, sur "la flotte". En effet, cela n'est que le début, comme nous allons le voir, il sera souvent mouillé. (Cf. Photogramme - Eau 9.)
Le trébuchement du complice du Stalker
Plan 22 : Sur une voie ferrée et derrière un large portail doublement grillagé, apparaît le complice, il ouvre le portail afin de laisser passer une grosse locomotive, elle est aussitôt poursuivie par la jeep qui emprunte également la voie ferrée et sort dans la même direction que la locomotive.
Un fait singulier va nous intéresser :
Plan 23 : Gros plan du complice, mégot aux lèvres, il regarde la jeep s’éloigner. Il recule en refermant le portail, il se retourne et court sur la voie où il trébuche et manque de tomber. (Cf. Photogramme – Trébuchement 2.)
C’est le second trébuchement dans le film, et ce n’est pas le dernier. Andreï Tarkovski exploite cette figure afin de souligner la part d’hésitation de la part du protagoniste. En quelques secondes, il intensifie la charge de l’interdit. Il montre de la sorte que le complice a peur.
Le second trébuchement de l’Écrivain
Plan 51 : 46' 13" : Les trois hommes regardent partir la draisine, l’Écrivain et le Professeur n’ont pas l’air très rassuré. (Cf. Photogramme – 29.)
- L’Écrivain : « Comment reviendrons-nous ?
- Stalker : Ici, on ne revient pas…
- L’Écrivain : Comment ça ?
- Stalker : Nous irons comme convenu. Chaque fois, j’indiquerais la direction. (Entre temps, un des écrous tombe, indice d’inquiétude.) Il est dangereux de s’en écarter. (Il le ramasse.) (Cf. Photogramme – 30.) Le premier point de repère est ce dernier poteau… Passez le premier, Professeur. (Le Professeur de dos commence à marche.) A vous maintenant. (L’Écrivain suit le Professeur.) Marchez bien dans les traces. »
L’Écrivain fait à peine quelques pas, qu’il manque, encore, de tomber, autre indice d’inquiétude. Il se ressaisit vite. (Cf. Photogramme – Trébuchement 3.)
Le troisième trébuchement de l’Écrivain
Plan 52 : 47' 30" : Travelling avant sur un petit bus envahit d’herbes. La caméra s’avance dans l’encadrement d’une fenêtre brisée. On discerne à l’arrière du véhicule, une silhouette sombre. A travers l’encadrement de la fenêtre arrière, vont apparaître, d’abord, le Stalker, ensuite, le Professeur, et enfin, l’Écrivain. Comme les autres, l’Écrivain observe le véhicule : « Mon Dieu, mais où sont ? … Alors ils serait restés ici ? Des gens ? (On distingue au fond un groupe de chars de combat.)
- Stalker : Qui sait ? Ils sont montés à la gare, chez nous… Pour arriver ici dans la Zone. J’étais encore gosse. Les gens croyaient qu’on voulait nous envahir ! (Il lance un écrou lesté) C’est à vous, Professeur. (Le Professeur disparaît dans la pente) Votre tour, l’Écrivain. » Ce dernier passe près du Stalker, se retenant à lui pour ne pas glisser. (Cf. Photogramme – Trébuchement 4.) Troisième déséquilibre de la part de l’Écrivain !
Le trébuchement du Professeur
Aussitôt après la fin du poème, au plan 69, le Professeur trébuche. Ses compagnons l'aident à se relever. Le Stalker lui dit : "Ne nous portez pas malheur." (Cf. Photogramme – Trébuchement 5.) Voilà que le Stalker devient superstitieux (…) : "Le faux pas, qui contrarie l'ordre des choses, symbolise un obstacle tout en mettant dans une posture délicate, passe généralement pour un mauvais présage. L'origine de cette croyance remonterait à un temps où le manque de tenue, même involontaire, était très sévèrement jugée. (…) Trébucher en partant en voyage ou en débutant une entreprise devrait inciter à modifier ses projets." [1]
Soulignons le fait qu'au plan 15, lorsque l'Écrivain accompagne le Stalker au bar, il monte les marches de l'escalier, glisse et tombe un genou à terre, il dit en râlant : "C'est plein de flotte ici." A ce moment-là, le Stalker ne dit rien. Ce n'est que dans la Zone qu'il est attentif aux gestes de ces compagnons. L'Écrivain sent que le Professeur défaille, puisqu'il demande au Stalker : (dans un endroit de la Zone où ils ont de…l'eau jusqu'aux chevilles.) : " Mais où est le Professeur. (…) (il) a disparu." (Plan 72.) Le trébuchement du Professeur nous relie de nouveau au sac. Car c'est le moment où il le perd, et en le perdant, il perd son vœu le plus cher : détruire "la chambre des désirs". Non seulement le Professeur va défaillir (en ne voulant plus s'engager dans la Zone), il va aussi disparaître. Mais pas pour longtemps, puisqu'il réapparaît au plan 74. Le Stalker lui dit : "Comment êtes-vous arrivé ?" Il répond : "Une grande partie du chemin… Je l'ai fait à quatre pattes." [2] C'est-à-dire, sur les mains et les genoux. Comme un nouveau-né ! D'ailleurs peu après, aux plans 76 et 78, les paroles du Professeur vont prendre "forme". En effet, au moment du repos du groupe, le Professeur essaie de trouver une manière confortable pour s'asseoir, il plie les genoux et pose la tête sur son sac. Il n'est plus un nouveau-né, mais un fœtus, "le fœtus de la Zone". (…) "Les bambaras appellent le genou le"nœud du bâton de la tête", et y établissent le siège du pouvoir politique." [3] "Ils rejoignent en cela de nombreuses traditions anciennes qui font du genou "le siège principal de la force du corps… le symbole de l'autorité de l'homme et de sa puissance sociale." [4] "De là le sens des expressions : plier le genou = faire acte d'humilité ; faire plier les genoux = imposer sa volonté à quelqu'un, voir le tuer ; etc." [5]
Chez Tarkovski, les êtres et les objets ont une tendance irrésistible de se courber vers la terre. Nous l'avons vu avec l'Écrivain et le Professeur, mais le Stalker aussi exprime cette attirance. En effet, au plan 47, le Stalker se détache du groupe, il est au milieu des herbes hautes, il s'agenouille et il s'allonge de tout son long dans les herbes, ventre contre terre. En témoignage de quoi ? En signe de vénération ou de respect? Ou par peur ? Par soumission ? Ou par adoration ? Par ailleurs, cette attraction est particulièrement représentée dans la partie suivante.
Le quatrième trébuchement de l’ Écrivain
L’Écrivain s’engage dans le tunnel. Le Stalker fait signe au Professeur de s’éloigner. Tous deux, s’éloignent de l’entrée qui reste vide.
Plan 98 : 1h 30' 48" : De dos, l’Écrivain avance dans le tunnel sombre. Bruit de sa respiration. A un moment, il est presque hors de vue.
- Stalker : (off) Plus vite, Professeur !
Le Professeur entre de dos, en courant. Suivi du Stalker affolé. Le Professeur s’arrête, le Stalker se place derrière lui, s’accrochant à la veste du Professeur. L’Écrivain continue son avancée à pas de loups. Il n’est pas très rassuré. Le Stalker et le Professeur le poursuivent à leur tour, et s’arrêtent. Quelques pas plus loin, l’Écrivain heurte quelque chose et tombe. (Cf. Photogramme – Trébuchement 6.)
Le cinquième trébuchement de l’ Écrivain
Au plan 130 : l'Écrivain comprend que dans "la chambre" : "seuls les vœux les plus sacrés sont exaucés… (…) " Cependant, un petit incident intéressant conclut l'analyse de l'Écrivain. En effet, à la fin de son discours, il se retourne vers le seuil de "la chambre", et se penche en avant, comme s'il voulait saisir le mystère de "la chambre". Mais il est à cet instant en déséquilibre, et manque de tomber au-delà du seuil. Le Stalker l'aide en le tirant en arrière par le manteau. (Cf. Photogramme – Trébuchement 7.)
L'Écrivain s'affaisse et reste assis à terre, visiblement heureux de n'être pas tombé dans "la chambre". Il s'agit encore d'un trébuchement, le troisième dans le film, et que ce petit incident semble finalement contredire le véritable désir de l'Écrivain. On peut dire une chose et faire son contraire. Ainsi à la fin de leur périple dans la zone, que peut-on déduire ? L’Écrivain ne veut pas entrer dans la chambre : "je ne déverserai pas sur la tête d'autrui... toutes les saletés de mon âme, pour me pendre ensuite comme Porc-épic. Je préfère me noyer dans l'alcool à notre Club des Écrivains." (Plan 130.)
Liens Spécifiques du film
Voir : Stalker
Notes et références
- ↑ Éloïse Mozzani, Le livre des Superstitions, op. cit., p. 1728. Par ailleurs, cf., J. Donner, dans La Nuit des forains (1953) Frost (le clown) dans l'eau qui trébuche devant Alma et les officiers. Ces derniers ont défiés Alma de se baigner nue avec eux. Op. cit., p. 49.
- ↑ Cf. Gerstenkorn et Strueder, op. cit., p. 78.
- ↑ Zahan Dominique, Sociétés d'initiation Bambara, Le N'Domo, le Kore, Paris-La Haye, 1960.
- ↑ Lanao-Villene G., Le livre des symboles, 6 vol. 6, 1, 26. Bordeaux-Paris, 1926-1935.
- ↑ Chevalier/Gherrbrant, Dictionnaire des Symboles, op. cit.,p. 476