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Viridiana

2 758 octets ajoutés, 20 mars 2016 à 14:55
<span id="ancre_35">''' Plan 35'''</span> : Don Jaime est assis sur son lit, en train de prendre son petit déjeuner. Ce que vient de dire Ramona le fait sursauter : «  ''Son dernier jour dans cette maison ! Si elle part, je ne la verrai plus. ''<br/>
- Ramona : ''Pourquoi ne lui dites-vous pas de rester quelques jours de plus ? ''<br/>
- Don Jaime : ''Je le lui ai demandé, mais c’est une ingrate. Parfois j’ai envie de la battre. Quand je lui parle du couvent elle redevient de pierre.'' (Tout à coup, Il il semble penser à quelque chose d’important. Il appelle Ramona sur un ton presque suppliant.) ''Ramona ! ''(Elle cesse son nettoyage. Elle fixe son regard sur son maître.) ''Viens ici, Ramona.'' (En tapant sur le bord du lit. Ramona abandonne son chiffon et s’approche du lit.)<br/>
- Ramona : ''Qu’y a-t-il ? ''<br/>
- Don Jaime (Il la prend par la main, l’obligeant à s’asseoir.) : ''Assieds-toi, femme ! Assieds-toi ! ''(Il la regarde dans les yeux avec douceur.) ''Tu as de l’estime pour moi, n’est-ce pas ? ''<br/>
- Ramona : ''Commandez-moi monsieur. Je ferai n’importe quoi.''<br/>
- Don Jaime : ''Pourquoi ne lui parles-tu pas, Ramona ? Les femmes ont plus d’idées pour cela. Trouve quelque chose pour qu’elle reste deux ou trois jours de plus. ''(Il lui prend la main, en la caressant.) ''Tu es bonne, Ramona ! Parle-lui, je sais que je n’ai pas besoin de t’offrir quelque chose, mais si tu réussis je te promets que je ne t’oublierai pas, ni la petite.''<br/>
- Ramona : ''Mais monsieur, que puis-je lui dire ? et Et quelle attention va-t-elle prêter à une domestique ?''<br/>
- Don Jaime : ''Tu as raison, mais il faut faire quelque chose. ''(Il continue à réfléchir à ce qu’il n’ose pas exprimer.)<br/>
- Ramona : ''Pensez vous-même à ce qui serait le plus habile et pour quoi que ce soit je vous aiderait de tout mon cœur. ''<br/>
Viridiana le regarde étonnée.
* <span id="ancre_45">'''[[#ancre_vir43|Photogramme 43 – Plan 45a.]] '''</span> ''0h 19' 05&quot;'' : Ramona s’avance vers eux. La servante a suivi avec intérêt la conversation. Elle vient au secours de Don Jaime. Elle s’adresse sur un ton résolu à Viridiana : « ''Il veut vous épouser, mademoiselle. '' (Viridiana est stupéfaite.) ''Pardonnez-moi, Monsieur, mais si je ne le dis pas vous n’oserez pas. '' (Don Jaime, honteux, regarde la domestique avec un air de reproche.) '' Il vous aimes aime beaucoup et il mérite qu’on le lui rende car il est très bon.''<br/>
- Viridiana  (Très surprise.) : ''Vous parlez sérieusement ? ''<br/>
- Don Jaime  (Les yeux baissés.) : ''Oui, je veux que tu ne t’en ailles jamais de cette maison. ''<br/>
Nous pouvons d’ailleurs, nous poser cette question, pourquoi Don Jaime n’a pas jeté son dévolu sur Ramona ? Comme le fera plus tard son fils naturel, Jorge. En fait, nous nous trouvons devant une obsession presque maladive de la part de Don Jaime, car au cours de cette séquence nous apprenons un fait important, <span id="ancre_vir211f"> </span>quelque chose qu’il n’a jamais dit à personne : [[#ancre_43|''Ta tante est morte du cœur, dans mes bras, la nuit de nos noces, vêtue de cette robe. Et toi, tu lui ressembles tant ! '' (…) ''Tu dois penser que je suis fou. '']]
Nous avons commencé le chapitre par une citation, nous allons le conclure par une autre citation, elle est tirée des écritures bibliques, qui concerne Sodome et Gomorrhe quand Loth, le neveu d'Abraham et sa famille, sa femme Édith, ainsi que ses deux filles ont voulu quitté quitter la ville infernale. Les deux anges lui ont demandé expressément de partir et de ne pas regarder en arrière, de ne pas se retourner, au risque de devenir une statue de sel, Édith a bravé l’interdit et regardé en arrière pour finir en une statue de sel. Nous pensons traduire ce passage biblique par un avertissement, qu’il est vain de regarder en arrière, c’est-à-dire de regarder le passé, car nous nous transformons en une statue de sel, nous devenons amer. Et c’est ce qu’est devenu Don Jaime, un être amer qui s’accroche à son passé, comme un remord qui ne le quitte plus. Un être amer est aussi un être malheureux qui est capable d’accomplir les pires atrocités. Cependant, il reste encore un point à élucider :
<center>* * *</center>
Ainsi, les emplacements vides du chandelier représentent en quelque sorte le passé de Don Jaime, qu’il tient absolument à combler. En fait, cela se traduit dans l’esprit naïf de Don Jaime de remplacer une bougie par une autre ; mais, Viridiana n’est pas une bougie.
Mais Et avant d’assister au comportement pitoyable de Don Jaime, Buñuel choisit de faire une transition avec un animal sombre : un taureau.
<center>[[#ancre_1|▲ ▲ ▲]]</center>
* <span id="ancre_76">'''[[#ancre_vir57|Photogramme 57 – Plan 76a.]] '''</span> ''0h 34' 45&quot;'' : Plan rapproché sur la croix de bois noir et la couronne d’épines que nous avons déjà vu au '''[[#ancre_vir16|plan 11]]''', ils sont à présent accrochées au lit. La caméra en reculant nous découvre un sol de briques et les murs blanchis à la chaux. Viridiana n’a apparemment pas voulu conserver la chambre de Dona Elvira et s’est installée dans une chambre plus modeste au rez-de-chaussée. Comme meubles, il y a un lit de fer, deux chaises, une table de bois blanc ; dans un coin une table de toilette sans miroir. Viridiana armée d’un seau et d’une serpillière, est en train de laver par terre. (Cf. '''[[#ancre_vir58|Photogramme 58 – Plan 76b]] ''') Viridiana a visiblement changé, son sourire a disparu, elle paraît plus mesurée avec une sorte de sûreté qui lui manquait auparavant. Ramona, un plateau en mains, pénètre dans la chambre et dépose le plateau sur la table. Elle soulève la serviette et nous constatons que le repas se réduit à des légumes, un verre de lait et un morceau de pain. Ramona est inquiète : « ''Vous ne mangez pas assez. Je vous ai mis un verre de lait. Et ce soir je vous apporterai un peu de viande. '' (Viridiana cesse de travailler et va se laver les mains à la cuvette de la table de toilette.) '' Regardez comme vous avez mauvaise mine ! '' (Viridiana ne réponds pas.) ''Monsieur le Maire m’a dit qu’il s’est occupé déjà de ce que vous lui avez demandé. Vous pouvez aller au village quand vous voudrez. Ça vous fera du bien de voir du monde. '' (On entend, off, le bruit d’une auto qui s’arrête. Ramona regarde par la fenêtre ouverte.) ''Voilà des visites. Madame. '' (Deux religieuses passent à l’extérieur du bâtiment. L’une d’elles est la Supérieure du couvent de Viridiana.)
 
<span id="ancre_77">''' Plan 77.'''</span> ''0h 35' 49&quot;'' : Viridiana s’avance vers la porte. Elle voit entrer la religieuse. Ramona s’efface pour laisser entrer la visiteuse, puis quitte la pièce sur un signe de Viridiana : «<br/>
- La Supérieure : ''Bonjour. Tu ne m’attendais pas, n’est-ce pas ? '' <br/>
- Viridiana : ''Ma mère ! '' <br/>
- La Supérieure (Elle regarde Viridiana d’un aire apitoyé. Elle hoche la tête.) : ''Comme tu as dû souffrir mon enfant ! '' (Viridiana s’approche de la Supérieure, s’incline et d’un geste paisible, baise la croix de son chapelet.) ''Depuis que nous avons appris le malheur, hier, par hasard, nous avons été très inquiètes pour toi. J’ai pris le premier train pour venir te voir avec Mère Consuelo. Pourquoi n’as-tu pas écrit tout de suite ? Je serais venue immédiatement. '' <br/>
- Viridiana : ''J’avais tant de choses à penser ! '' <br/>
- La Supérieure : ''Mais tu aurais dû m’avertir. '' (Elle regarde autour d’elle et semble apprécier la simplicité de la chambre.) ''Au village, j’ai parlé quelques minutes avec Monsieur le curé. Il m’a raconté comment la chose est arrivée. Mais tout le monde se demande la raison de cet acte horrible contre Notre Seigneur. Le sais-tu, toi ? '' <br/>
- Viridiana : ''Je sais seulement que mon oncle fut un grand pêcheur, et que je me sens responsable de sa mort. '' <br/>
- La Supérieure : ''Comment peux-tu dire cela ? Toi, coupable du suicide d’un homme ? J’exige de toi une confession complète. Je suis la Mère Supérieure. '' <br/>
- Viridiana (En baissant les yeux.) : ''Je ne vais pas retourner au couvent, et par conséquent, je ne dois plus d’obéissance que n’importe quel autre catholique. '' <br/>
- La Supérieure : ''Y a-t-il quelque grave empêchement – parce qu’il doit s’agir d’une chose grave - qui t’empêche de prononcer tes vœux ? '' <br/>
- Viridiana : ''Je n’ai rien à me reprocher. Je sais seulement que j’ai changé. Avec mes faibles forces, je suivrai le chemin que le Seigneur le trace désormais. On peut aussi servir en dehors du couvent. '' <br/>
- La Supérieure : ''Te rends-tu compte de l’orgueil qu’il y a dans ces paroles ? A quoi te consacreras-tu ?'' <br/>
- Viridiana : ''Je connais ma faiblesse, je tâcherai de rester humble. Mais le peu que je ferai, je veux le faire seule. '' <br/>
- La Supérieure (En la dévisageant.) : ''Très bien. Puisque tu ne me laisses pas t'aider, je te laisse.'' (Elle fait quelques pas, et puis elle se retourne.) ''Navrée de t'avoir ennuyée. Adieu, ma fille. ''<br/>
- Viridiana : '' Ma Mère, Pardonnez-moi.'' <br/>
- La Supérieure : ''Tu es pardonnée. Adieu'' <br/>
 
<center>* * *</center>
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