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Thèse:Introduction:Approches de la cinémancie

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/* Les origines de la recherche */
===Les origines de la recherche===
L'origine de la recherche était basée sur un fait que l'on avait l'habitude de négliger, et qui a donné lieu à un mémoire intitulé : "Le lorgnon de Smirnov" ; "Place des Gros Plans d'[[Objet|Objets]] en [[Chute]] dans le Cinéma".<ref>Mémoire de D.E.A. "Histoire, Théories et Pratiques des Arts Visuels", sous la direction de Monsieur Pierre Haffner, Université des Sciences Humaines de Strasbourg, juin 1994.</ref> C'était une étude d'un point de vue particulier dans un corpus de films représentatifs des grandes écoles esthétiques du Cinéma Mondial (1925-1995). Une réflexion sur les objets en chute que nous appelons ici la '''"[[Catalogie(de l'objet)|catalogie de l'objet]]"'''.<ref>Cata : dans le sens étymologique de chute, du grec kata, par-dessous.</ref> Il faut préciser qu'il s'agit principalement des objets tombés par inadvertance, sans une intention délibérée de la part d'un protagoniste de provoquer la chute. Car c'est au cinéma et nulle part ailleurs que nous pouvons suivre la "survie de l'objet", sa trace dans le temps, ses éventuelles propriétés révélatrices, son secret.<ref>En archéologie, on assiste seulement à une émergence ponctuelle et définitive de l'objet.</ref>
<span id="ancre_cata"></span>Nous avons distingué dans l'[[Objet|objet catalogique]] deux aspects. D'une part, des aspects visibles : point de chute, morphologie, appartenance, finalité, etc. D'autre part, des aspects invisibles. Ceux-ci nous conduisent à des considérations d'ordre pathologique (les <u>[[Méprise|méprises]]</u> et les actes manqués) pour aboutir à des considérations d'ordre anthropologique que sous-tendent des catégories symboliques. Telle fut la substance de cette recherche. Par la suite nous avons approfondi la recherche sur l'objet catalogique, pour constater en définitive que cette singularité n'est qu'une partie (infime) d'une discipline que nous proposons de nommer "la cinémancie" ou "ciné-divination".
Le choix du néologisme, "la cinémancie", est une contraction de cinéma et de mancie.<ref>La mancie est un terme grec, "mantiké", qui signifie, mantique, divination, prophétique. Cf. '''René Allau''', article <u>Divination</u>, ''Encyclopédie Universalis'', p. 575.</ref> C'est un terme qui traduit un effet courant au cinéma, à savoir une connaissance (ou re-connaissance) par l'image, qui prend la forme d'une représentation visuelle ou auditive, et qui présage une "vue" d'un certain avenir (ou d'un passé). Il est fondé sur la représentation et la cristallisation de plusieurs aspects cinématographiques pertinents dans et autour de ce terme.<ref>D'un point de vue linguistique, nous constatons, dans notre langage actuel, la présence du mot "mana" dans les racines de mots tels "émaner" qui dérive du latin "emanare", qui signifie "couler de, sortir de", qui donnera "émanation, manifestation de quelque chose, de quelqu'un". Nous trouvons également le lexème "man" dans "émanciper" qui dérive du latin "emancipere", composé de "ex" qui veut dire "hors de et de mancipium" qui signifie "pris en main, propriété, devenir indépendant".
Par ailleurs, le mot "Mana" est un terme d'origine mélanésienne, repris aux anthropologues qui en ont fait grand usage, à la fin du XIXème siècle, et au début du XXème siècle. Il est en relation dans la terminologie de C. G. Jung avec le concept d'énergie psychique et de libido. Parlant du langage et de l'utilisation du feu, Jung écrit: […] " tous deux sont des produits de l'énergie psychique, de la libido, ou "Mana", pour employer une notion primitive." ('''C. G. Jung''', ''Dialectique du Moi et de l'Inconscient'', en particulier, chapitre IV, La Personnalité "Mana", la citation est une note qui renvoie à Métamorphoses de l'Ame et ses Symboles, (Éditions Gallimard, p. 233.) Il nous semble que symboliquement, le feu peut traduire, la notion d'un "projet de l'objet catalogique" par le fait d'une subite incandescence et d'une transformation téléologique de la matière accompagnée d'une libération d'énergie.</ref> En outre, il résume en partie la conclusion de notre mémoire sur l'objet catalogique. En effet, dans notre étude, ''"Le Lorgnon de Smirnov"'', nous avons mis en avant l''''hypothèse du principe de la subite émanation téléologique de l'objet''', comme base interprétative d'une direction de réponse d'un objet catalogique. <span id="ancre_bre"></span>Comme par exemple le lorgnon de Smirnov dans ''Le Cuirassé Potemkine'' (1925) de S. Eisenstein<ref>Mémoire D.E.A. Strasbourg 1994, ''[[Thèse:Bibliographie#ancre_9|op. cit.]]'', pp. 8-15.</ref> ; la [[boue]] sur Charles Foster Kane dans ''Citizen Kane'' (1941) d'O. Welles<ref>Op. cit''Ibid''., pp. 16-20.</ref> ; <span id="ancre_bre1"></span> la [[bouteille]] de vin renversée du Curé d'Audincourt dans ''Le Journal d'un Curé de Campagne'' (1951) de [[Bresson Robert|R. Bresson]]<ref>Op. cit''Ibid''., pp. 21-25.</ref> ; l'[[arbre]] qui s'abat sur le frère d'Ivan dans ''Les Chevaux de Feu'' (1987) de S. Paradjanov.<ref>Op. cit''Ibid''., pp. 26-30.</ref> Nous avons constaté qu'un '''objet catalogique''', (comme l'est d'ailleurs un objet cinémantique) : "est en quelque sorte le "signe '''[[Annonciateur (signe)|annonciateur]]'''" d'un climat avant-coureur, à court ou long terme, un "before-shadowing", "une avant-ombre", une espèce d'avertissement, une crainte, une anxiété vague qui traduit l'appréhension du sujet, son inquiétude, son angoisse. Elle vient troubler sa quiétude, ses habitudes. Elle indique "l'état d'esprit du sujet", voire même son état psychomoteur.<ref>Op. cit''Ibid''., p. 35.</ref>"
Ainsi, la réponse d'un '''[[Catalogie (de l'objet)|objet catalogique]]''' réside, comme nous allons le voir, dans sa faculté d'annoncer subrepticement un [[choix]], de prévoir une alternative, souvent visible dans le film. Une telle réponse obéit à ce qu'on pourrait appeler "un effet baromètre".<ref>Car en principe, l'indicateur d'un baromètre indique le temps toujours à posteriori. Ainsi quand on dit que l'aiguille du baromètre monte, cela veut dire qu'il va faire beau dans quelques jours, et non pas à l'instant même où nous lisons le relevé de l'aiguille.</ref> Mais parfois, la réponse est directe, elle est immédiate, elle devient à la fois un jeu de dés et son résultat. Nous le voyons, la question est complexe, car d'une part, nous avons affaire à des [[Objet|objets]] et des thèmes parfois inédits, qui sont parfois ignorés par la critique cinématographique<ref>Sous cette appellation nous désignons les propositions de '''Christian Metz ''' qui propose quatre façons d'aborder le cinéma : (…) "La critique de cinéma et l'histoire de cinéma" ; "la théorie du cinéma" (Eisenstein, B. Balázs, A. Bazin) et enfin, "la filmologie" (G. Cohen-Séat, E. Morin, J. Mitry) : "c'est le fait cinématographique plus que le cinéma, le fait filmique plus que le film, qui sont ici envisagés." Christian Metz, Essais sur la signification au cinéma, tome 1, ''[[Thèse:Bibliographie#ancre_5|op. cit.]]''., p. 92 et 93.</ref> ; d'autre part, la complexité de la question provient de la profusion infinie et multiple des [[Objet|objets]] dans un film. Or nous pensons qu'il faut éclairer l'ombre caché des objets dans les films, qu'ils ont un rôle important à jouer dans les films et qu'ils offrent également des perspectives épistémologiques. Ainsi, nous serons amenés à traiter la question des rapports et des changements de "l'un dans le tout", ce qui constitue une grande difficulté : comment étudier et traiter "le tout" ? Gilles Deleuze en s'appuyant sur Henri Bergson, précise : (…) "Le tout n'est ni donné ni donnable."<ref>'''Gilles Deleuze''', ''L'Image-Mouvement'', Les Éditions de Minuit, Paris, 1983, pp. 19-22.</ref> Pourquoi ? "Parce qu'il est l'Ouvert, et qu'il lui appartient de changer sans cesse ou de faire surgir quelque chose de nouveau, bref de durer."<ref>Op. cit''Ibid''., p. 20.</ref> Par ailleurs, ce problème a été souvent posé dans la peinture, G. Vasari écrit : (…) " On connaît la proportion que le tout entretient avec les parties, et celles des parties entre elles et avec le tout."<ref>'''G. Vasari''', le vite, I, p. 168-169.Cité par '''Georges Didi-Huberman''', ''Devant l'image'', Les Editions de Minuit, Paris, 1990, p. 96.</ref> Or, nous ne connaissons pas dans le cinéma, dans toute sa véritable dimension, la proportion que le tout entretient avec les parties, et inversement la proportion des parties avec le tout. La question se pose et mérite d'être analysé. Nous partirons du constat : "un film est un tout", dans lequel nous ne pouvons plus rien changer ou modifier. Toutefois la question demeure, de quelles façons appréhender le "tout" ? Et surtout comment ?
Par ailleurs, nous venons de dire que c'est à travers l'approfondissement de la recherche sur un objet catalogique que nous avons aboutit à la découverte de "l'objet cinémantique". Cela mérite une explication. En effet, la catalogie de l'objet peut se schématiser selon cette équation :<br/>'''Objet quelconque (1) &rarr; Objet catalogique (2) &rarr; Réponse catalogique (3)= (A)'''
En simplifiant, on obtient : '''1 &rarr; 2 &rarr; 3'''
Or, à fur et à mesure de nos recherches, à la fois filmiques, livresques et extra-cinématographiques,<ref>Comme chez Woody Allen, nous ne distinguons pas une différence entre la fiction et la réalité. Nous nous situerons sur ce point fondamental et indispensable, en ce qui nous concerne, plus loin. Si nous l'annonçons d'avance, c'est qu'en "réalité", ce point est essentiel, dans la mesure où il a permit des ouvertures vers d'horizons singuliers.</ref> on a souvent rencontré des espèces de réponses catalogiques, sans pour autant trouver en amont des objets catalogiques. On a donc déduit par-là, qu'il est possible de considérer l'équation à rebours, de la façon suivante :<br />
'''3' &rarr; 2' &rarr; 1' = (B)<br />3" &rarr; 2" &rarr; 1" = (C)<br />3n &rarr; 2n &rarr; 1n = (D)'''
Précisons d'abord, que les termes des équations B, C et D sont identiques à l'équation A. Ensuite, la réversibilité de l'équation est rendue possible grâce au pouvoir inhérent du film de cinéma et de sa copie sur un support vidéo (magnétique ou numérique). Enfin, ce qui peut caractériser une '''réponse catalogique''', en reprenant la formule de Jean Epstein, c'est qu'elle est "'''photogénique'''" : (…) "Elle est une valeur de l'ordre de la seconde",<ref>'''Jean Epstein''', ''Ecrits sur le cinéma'', tome 1 : 1921-1947, Editions Éditions Cinéma club/Seghers, 1974, p. 93. Cf. également les pages suivantes : pp. 98 ; 100 ; 137-138 ; 150 ; 183 ; "Photogénie de l'impondérable", 238-239 (texte de 1934) et 249-255 (texte de 1935).</ref> J. Epstein précise que la photogénie c'est, (…) "tout ce qui est majorée par la reproduction cinématographique",<ref>Citée par '''Edgar Morin''', ''Le cinéma ou l'homme imaginaire, essai d'anthropologie sociologique'', Les Editions de Minuit, 1956, pp. 22-25 et p.41,42.</ref> pour Louis Delluc, géniteur du terme, la photogénie est (…) "cet aspect poétique extrême des êtres et des choses".<ref>Citée par '''E. Morin''', ''[[Thèse:Bibliographie#ancre_5|op. cit.]]'', p. 23.</ref> Ainsi, une réponse cinémantique est un plan cinématographique très bref et extrême, c'est un moment temporel <u>instantané</u>, inscrit spatialement dans un type de cadrage très singulier, c'est souvent un gros plan ou un très gros plan voire un insert. Mais la question qui se pose est celle de savoir si toutes les images photogéniques sont des images cinémantiques ? Cette question nous offre l'occasion de nous introduire dans les origines du cinéma.
===Les origines de la cinémancie===