Résonance

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Le Miroir, plan 20. Le Fenil en feu. Un indice semble présenter l'idylle entre les deux personnes (Maroussia et le médecin).  On peut observer la clôture éventrée au bas de l’image à droite.
Le Miroir, plan 20. Le Fenil en feu. Un indice semble présenter l'idylle entre les deux personnes (Maroussia et le médecin). On peut observer la clôture éventrée au bas de l’image à droite.


Autres titres de films

Mode d'emploi de la figure (mot) et abréviations


Titre Titre original Réalisation Scénario Année Pays Durée
1900
§. Cape d'Otavio
Novecento Bertolucci Bernardo Arcalli F.
Bertolucci B.
1976 Italie 310
Andreï Roublev

§. Le Vieillissement de Roublev

Φω. Plan 126b.
Andreï Rublyov Tarkovski Andreï Tarkovski A.
Konchalovsky A.
1969 URSS 215
Into the Wild

§. L'image de l'enfant qui pousse sa voiturette.
Φω. 70. Plan 1350

Φω. 71. Plan 1352
Into the Wild Penn Sean Sean Penn,
roman de Jon Krakauer
2007 USA 147
Maître (Le)

§. Le Bus s’arrête net, dans le prolongement de la Poste.

Φω. 34. Plan 105.
Mistrz Piotr Trzaskalski Lepianka W.
Trzaskalski P ;
2005 Allemagne
Pologne
117
Mathilde

§. Le prolongement des mouvements de la balançoire.

Φω. 17. Plan 293.
Mathilde Mimica Nina Mimica Nina 2004 Italie, Espagne, Angleterre, Allemagne 97
Miroir (Le)

§. Livre qui s'envole et tombe vers l'extérieur . Plan 15.
§. Chat noir et verre de lampe à pétrole.
§. Clôture et rupture

Zerkalo Tarkovski Andreï Tarkovski A.

Micharine A.

Et poèmes d'Arseni Tarkovski.
1975 URSS 106
Nostalghia Nostalghia Tarkovski Andreï Tarkovski A.
Guerra T.
1983 URSS
Italie
130
Stalker Stalker Tarkovski Andreï Tarkovski A.
Strougatski A. et B.
1979 URSS 161


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Photogrammes extraits des films - Analyse et liens spécifiques des films

Nostalghia, d'Andreï Tarkovski

Aspects du complexe de résonance

C’est l’épisode de la piscine de Sainte-Catherine.

Plan37a : 30' 51" : Dans un village pittoresque ayant en son centre une piscine thermale, nous voyons "le Fou" accompagné par sa chienne Zoé. Il longe la piscine de sainte Catherine. En voix off, des estivants aristocrates se baignent dans la piscine. Nous apercevons, venant derrière "le Fou", le Poète qui porte son second manteau, un manteau plus clair que le précédent (37b). (Cf. Photogramme - Manteau)


Photogramme - Manteau : Nostalghia, Plan 37b. Le Poète, derrière le fou, porte son manteau. C'est un plan pertinent, car il annonce "un transfert d'identité "du Fou au Poète.
Photogramme - Manteau : Nostalghia, Plan 37b. Le Poète, derrière le fou, porte son manteau. C'est un plan pertinent, car il annonce "un transfert d'identité "du Fou au Poète.


Ce court passage doit retenir notre attention. Ce sont des images pertinentes qui dévoilent une espèce de " transfert psychologique d'identité". Ce type de transfert se réalise à partir du prolongement d'une "ligne de force", entre deux ou plusieurs personnages ou comme dans Le Miroir, incluant un objet (un livre). Nous verrons que le manteau du Poète représentait son "chez lui", c'est en fait "sa maison" qu'il porte sur lui. Or, en enlevant son "manteau" au plan 31f, et en en revêtant un autre dans ce plan, n'annonce-il pas sa "sa future maison" ? Sa future mission ? A ce propos, Béla Balázs dans L'esprit du cinéma, formulait la question de la manière suivante : (…) "Ne pourrait-on pas voir apparaître un jour sur la scène, au lieu d'un arrière plan spatial, l'arrière-plan spirituel des personnages qui parlent." [1] Il donne, en plus, un terme qui caractérise cet aspect spécifique : (…) "une résonance (informulable)". Plus loin, il écrit : "Un corps de résonance optique" [2] Cependant, la question qui se pose est celle de savoir si au cinéma cette résonance est "systématique", quand il y a deux protagonistes sur le prolongement d'une ligne. Nous pensons, pour qu'il y ait "résonance", il faut au moins une condition, comme celle qu'on trouve au plan 37b. En effet, au plan 37b, l'aspect résonant est obtenu parce que Gortchakov porte son manteau en "enveloppant" en quelque sorte, "le Fou".

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"Tableau dans le tableau"

Il nous semble que la question peut être mieux élucidée, si nous tournons nos regards vers la peinture hollandaise du XVIIème siècle. En effet, nous rencontrons dans cette peinture, un aspect qui ressemble de près à la "résonance". Il s'agit de l'effet du "tableau dans le tableau", comme par exemple chez Johannes Vermeer, nous trouvons le tableau de Dirck van Baburen, L'entremetteuse, (1622) (Cf. Image – Résonance 1. ) qui est inclut dans Le Concert (Vers 1665-1666). (Cf. Image – Résonance 2. )



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Arthur Wheelock pense que, (…) "Cela leur permettait (aux artistes) de lier leur thème à celui du "tableau dans le tableau", et parfois même ils en faisaient la "clavis interpretandi", la clé permettant d'interpréter l'œuvre. Mais rien ne prouve qu'ils associaient systématiquement les tableaux qu'ils plaçaient dans leurs tableaux à leurs thèmes principaux… Dans le concert de Vermeer, c'est un innocent paysage de même format qui fait pendant à L'entremetteuse ; pourquoi ce tableau aurait-il moins de signification que son vis-à-vis ?" [3] Or justement, nous pensons que L'Entremetteuse a une certaine signification, parce que la tête de la dame debout est inscrite dans le prolongement du tableau, tandis que la tête de la dame assise touche à peine les bords du second tableau qui fait pendant à L'Entremetteuse. [4] Pour revenir au cinéma et au film, cet aspect est toujours bref. Ainsi, nous avons rencontré un autre exemple qui suggère l'idée de "résonance", au plan 10a, il s'agit de l'arrivée de la procession devant la fresque de Pierro della Francesca. Nous pensons que cet aspect mérite une étude particulière en incluant, la peinture, la sculpture, la photographie et le cinéma. [5]

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Mettre en relief le conscient et l'inconscient

Plan 38 : 33' 38" : Dans la piscine de sainte-Catherine, un général chauve fume un cigare, il s'étonne que son cigare soit éteint. Le Fou longe un autre bord de la piscine (plan 39). Il parle à son chien : "sais-tu pourquoi ils sont dans l'eau ? Ils veulent vivre éternellement. " Ainsi la superstition n'épargne pas les aristocrates qui eux, parlent du Fou : "Il a gardé sa famille sous clé pendant sept ans. Il attendait la fin du monde." Le Fou s'assied sur le bord de la piscine. La Traductrice et le Poète sont derrière lui. Ce dernier se lève et se dirige vers la Traductrice. Il lui dit : "Je ne fume pas, mais me donneriez-vous une cigarette ? " Elle lui donne la cigarette, elle lui donne du feu, qui s'éteint une première fois. Nous remarquons que ce plan de la cigarette éteinte suit celui du cigare. Le Fou passe devant le poète et dit à la Traductrice en passant : "N'oubliez pas ce qu'il (Dieu) a dit à sainte Catherine." Il se retourne vers eux, en levant les bras : "Tu es celle qui n'est pas et moi, celui qui est." C'est encore une citation oraculaire qui a une portée prophétique et divinatoire. Elle s'applique à la Traductrice et au Fou, mais aussi indirectement au Poète. Elle est "celle qui n'est pas", celle qui ne comprend pas (dans le couloir de l'hôtel Palma avec le poète), celle qui "regarde seulement" (scène de la Madone del Prato). Lui, il est "celui qui est", celui qui a enfermé sa famille, celui qui écoute, celui qui ira jusqu'à s'immoler.

Cette citation met en exergue l'intérêt de Tarkovski pour les méandres de la "psyché". C'est aussi en quelque sorte une application de la définition jungienne de la psyché. En effet, "la conscience" est celle qui n'est pas, et "l'inconscient" est celui qui est. [6]

On s'explique. La conscience est "consciente" de son "insuffisance", son incapacité à déterminer "tout", ou plutôt, elle est consciente qu'elle n'est pas "tout". En revanche, l'inconscient est "conscient" qu'il est tout, mais "la conscience" refuse de l'admettre. D'où, pour Jung (et pour Tarkovski) l'intérêt et l'importance du rêve et de ses symboles. Jung suggère avec pertinence que les rêves "naissent dans un esprit qui n'est pas tout à fait humain, mais ressemble plutôt à un murmure de la nature, l'esprit d'une belle et généreuse, mais aussi d'une cruelle déesse." [7] En réalité, "le murmure de la nature" selon Jung, n'est pas aussi paisible que cela le laisse supposer. C'est un torrent tumultueux qui traverse les âges jusqu'aux premières périodes géologiques, même davantage. [8] Pour qualifier le concept de "murmure de la nature", Jung suggère le terme "d'archétypes" ou "images primordiales".[9]

Il reste encore un point à propos de "la conscience" qu'on doit retenir. C'est une précision de Jung : (…) "La conscience est une acquisition très récente de la nature, et elle est encore au stade "expérimental". Elle est fragile, menacée par des dangers spécifiques, et aisément blessée. Comme l'ont remarqué certains anthropologues, un des troubles mentaux, (…) chez les primitifs est "la perte de l'âme", c'est-à-dire une scission, plutôt une dissociation de la conscience. (…) Beaucoup de primitifs croient que l'homme, en plus de son âme propre, possède une "bush soul" ou âme de la brousse, et qu'(elle) (…) s'incarne dans un animal sauvage ou dans un arbre. (…) (Elle) peut s'identifier inconsciemment avec une autre personne ou un objet." [10] Lucien Lévy-Bruhl appelait cela "une participation mystique." [11] Or, dans le film, il y a une évidence qui s'impose : c'est la "participation mystique" anticipée du Poète vis-à-vis du Fou. Inversement, on peut dire que "le Fou" est le "bush soul" du Poète. Toujours au plan 39, le Poète dialogue avec la Traductrice, elle lui explique : "Il (le Fou) a une manie, il entre dans la piscine avec une bougie allumée." C'est un indice paradoxal, le feu dans l'eau ou plutôt sa persistance dans l'eau. C'est un point à ajouter dans le registre de la cigarette. Le Poète est tout à coup animé par une certaine euphorie, il demande à se rendre chez le Fou. La Traductrice demande son adresse aux baigneurs. Le Fou habite à Bagno-Vignoni.

A signaler une innovation de sortie d'acteur d'un film : le Poète sort non pas à gauche, ni à droite, mais par le bas du cadre. L'effet est remarquable. Le Poète est cadré en plan rapproché, il se contente de se baisser. L'explication de ce geste nous est livrée au plan 42, dans le chapitre suivant, quand il sera devant la double porte de la "maison de la fin du monde". Dans ce plan-là, il fera son entrée par le bas du cadre, en se relevant. C'est comme s'il était aspirait par la terre pour en être délivré, une espèce de re-naissance, de plus, c'est un autre indice de l'inclinaison de son choix vers l'accomplissement du Mystère de sainte-Catherine. Est-ce une résonance terrestre ?


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Liens spécifiques du film

Voir : Nostalghia


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Stalker, d'Andreï Tarkovski

Cas de résonance latérale dans

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Liens spécifiques du film

Voir : Stalker

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Voir aussi


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Indications bibliographiques


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Notes et références

  1. Op. cit.,p 184.
  2. Ibid, p. 195. Cf. également, "Résonance d'un être", p. 247.
  3. Arthur K. Wheelock Jr. (sous la direction), Johannes Vermeer, Edition Flammarion, Paris, 1996, p. 38.
  4. Cet exemple n'est pas unique, nous le trouvons également dans d'autres peintures de Vermeer, et chez d'autres peintres hollandais, comme Gerard ter Borch. Cf. sur la thématique du "tableau dans le tableau", Tzvetan Todorov, Eloge du quotidien, Editions du Seuil, (1993), 1997, pp. 48 et 92. Madlyn Millner Kahr, La peinture hollandaise du siècle d'or, Editions le livre de poche, (1978), 1993, pp. 75-76 ; 389 ; 407-409.
  5. En ce qui concerne la question du "film dans le film", voir : A propos de "la photographie dans le film", voir :
    • Bellour B., L'entre-images 2, Editions P.O.L. Paris, 1999, pp. 27-29, il s'agit de "l'agrandisseur électronique" dans Blade Runner , de Ridley Scott, 1983.
    • Dadoun D., Œdipus-flex, Blow up, de Michelangelo Antonioni, op. cit., pp. 85-98.
    • Vernet M., Figures de l'absence, de l'invisible au cinéma, Editions de l'étoile, Paris, 1988, "Le portrait psychopompe", pp.89-112.
  6. Cf. C. G. Jung, L'Homme et ses symboles, op. cit.
  7. Ibid, p. 51.
  8. Soulignons que c'est, entre autres, à partir de ce changement de point de vue qu'il y a eu la séparation entre Freud et Jung. Cf. Introduction générale.
  9. C. G. Jung, L'Homme et ses symboles, op. cit. pp. 67 sq.
  10. Ibid, p. 24.
  11. Lucien Lévy-Bruhl, La Mentalité Primitive, op. cit.


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