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Porte

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===Nostalghia, d’Andreï Tarkovski===  ====Les portes de « La Chambre sans fenêtres »====  Quand le Poète se trouve seul dans sa chambre d'hôtel, tous ces faits et gestes sont à considérer attentivement, c'est comme si nous entrions dans une autre dimension, celle d'un "[[passage]]" spirituel.  ''' <span id="ancre_27">Plan</span> 27 :''' '' 19' 45&quot;'' : Long plan circulaire à 360°. Le Poète ouvre les volets, il les ferme aussitôt. (27a) Il allume un [[néon]](27b). Il se dirige vers la salle de bains. Il veut boire un verre d'eau, il pose le verre près du robinet, mais il boit directement du robinet. <ref>Certes, c'est à juste titre que François Ramasse écrit : (…) "le déplacement du gobelet d'un côté à l'autre… n'est-il pas le geste machinal de quelqu'un qui remet un objet à sa place habituelle ?" (Présenté par Michel Estève ), ''Andreï Tarkovski, Études cinématographiques, N° 135-138'', Éditions Lettres Modernes, Minard, Paris, 1983, p. 130.) Toutefois, ce plan "intriguant" dit beaucoup plus encore : d'une part, le déplacement du gobelet est une représentation du geste final de Gortchakov : déplacé la [[bougie]], le lavabo devient une piscine en miniature ; d'autre part, c'est le comportement de Gortchakov qui est à prendre en considération, il s'agit en effet, d'une posture de révérence du "lieu" et à l'eau. C'est deux remarques montrent l'importance de la salle de bain. </ref> (27c) (Cf. '''[[Photogramme – Porte 10]]'''.) <span id="ancre_27cp"></span> [[Fichier:portep8.jpg|200px|thumb|right|'''Photogramme - Porte 10''' : ''Nostalghia'', '''Plan 27c'''. A travers la porte de la salle de bain, le Poète dispose un gobelet sur le bord du lavabo, pour finalement boire directement au robinet. Pourquoi ?]] Il avance vers une [[armoire]] (27d), il ouvre les portes, elle est vide, il la referme (27 e). Il se dirige vers un meuble avec un [[miroir]], il prend un [[Livre#Nostalghia, d’Andreï Tarkovski|livre]] (27f). Le livre toujours à la [[main]], il l'ouvre. Un objet tombe, sans que nous sachions ce que c'est. D'après le son de la chute, c'est plutôt un bouton (d'un [[Manteau#Nostalghia, d’Andreï Tarkovski|manteau]] !) qu'une pièce de monnaie. Le livre, c'est une Bible. <ref>La Bible ouverte est un fait remarquable. (...) "Il semble qu'une simple Bible ouverte refoule les mauvais esprits." '''Éloïse Mozzani''', ''Le livre des Superstitions'', ''[[Thèse:Bibliographie#ancre_12|op. cit.]]'', p. 225. "De même les Romains pour y trouver les réponses divines à leurs angoisses pratiquaient une divination appelée rhapsodo-mancie (ou stichomancie), à l'aide d'ouvrage de poésie (Virgile, Homère). On ouvrait le livre au hasard, et le premier passage qui se présentait délivrait l'oracle et renseignait sur la conduite à tenir." ''Ibid''. p. 1002. </ref> Il remarque, à la première page de la bible, une mèche de [[Cheveux#Nostalghia, d’Andreï Tarkovski|cheveux]] enroulée autour d'un peigne.  Le 13 août 1981, Tarkovski est à Moscou. Il n'est pas sûr de tourner le film. Il écrit dans son cahier journal : (…) "Je ne pense qu'aux problèmes italiens. (…) Pourvu que ça marche avec les Italiens ! J'ouvre l'Évangile au hasard. Saint Jean, chapitre X : " ''En vérité en vérité je vous le dis, celui qui n'entre pas par la porte dans la bergerie, mais qui y entre autrement est un voleur et un brigand. Mais celui qui entre par la porte est le berger des brebis. Le portier lui ouvre et les brebis entendent sa voix, et il appelle par leur nom les brebis qui lui appartiennent et il les conduit dehors.''" Cela n'est-il pas dit à propos de mon projet ?" <ref> '''Andreï Tarkovski''', ''Cahier Journal 1970-1986'', ''[[Thèse:Bibliographie#ancre_1|op. cit.]]'', p. 273. </ref> La [[bibliomancie]], (…) "c'est la divination qui consiste à ouvrir au hasard une bible et à tirer un [[présage]] ou à définir une conduite d'après le passage sur lequel en a posé, sans réfléchir ou en fermant les yeux, le [[doigt]] (une épingle d'or, <ref> Comme peut-être dans le film, la mèche de cheveux enroulée autour d'un peigne. </ref> au siècle dernier.)" <ref>'''Éloïse Mozzani''', ''Le livre des Superstitions'', op. cit., p. 228. </ref> Dans le cas cité, nous ne sommes plus en présence d'un indice, mais d'un argument. <ref>Dans le sens peircien. </ref> Andreï Tarkovski pratiquait donc la bibliomancie (ou encore la rhapsodomancie). Cette pratique se pose d'une façon visible dans ce film. <ref>Et surtout dans ''[[Andreï Roublev]]'', avec l'exemple du '''livre''' des Ecritures. </ref> Même si le Poète, n'a pas tourné les pages de la Bible, le fait de l'avoir laissée telle quelle, témoigne déjà d'une espèce de réponse. Certes, cette pratique n'est pas unanimement perceptible. Mais le texte biblique en question détermine selon lui "le propos de son projet". Le texte a un double sens : d'une part, le sens de la vocation du cinéaste qui est d'entrer par la "porte" ; d'autre part, le sens de la vocation du film et de sa portée. Nous verrons plus loin la valeur de la "porte flanquée au milieu du grenier du Fou", une porte qui n'a aucune raison d'être ([[#ancre_60bp|plan 60]]).  '''<span id="ancre_28">Plan</span> 28''' : ''22' 28"'' : Réponse oraculaire de la [[bible]], le Poète ouvre la [[porte]] de la [[chambre]]. La Traductrice est en face de lui, dans l'[[ombre]] (Cf. [[Photogramme – Porte 11.]]) : <span id="ancre_28p"></span> [[Fichier:livrep5.jpg|200px|thumb|right|'''Photogramme - Porte 11''' : ''Nostalghia'', '''Plan 28'''. Le Poète ouvre la porte, sans que la Traductrice ait à frapper. Notez le fait que sa tête est dans l'ombre, comme si elle est absente.]] - Le Poète : "''Tu as frappé ?'' "<br/>- La Traductrice : "''Pas encore… Je demande Moscou.''"<br/>- Le Poète : "Pas encore."  ''' <span id="ancre_30">Plan</span> 30 : ''' '' 22'50&quot;'' : Il sort dans le couloir sombre de l'hôtel. Il prend le [[livre]] (de poésie) des mains de la Traductrice et entre dans sa chambre, laissant la Traductrice dans le couloir, sans lui dire un mot.  ''' <span id="ancre_31">Plan</span> 31 : ''' ''24' 23&quot;'' : (Long plan) Le Poète jette le livre qu'il a pris des mains de la Traductrice dans le coin droit de la chambre, dans un coin sombre, <ref>'''G. Bachelard''', ''La poétique de l'espace'', chapitre VI, Les coins, op. cit., pp. 130-139, l'auteur écrit : (…) "… le coin est un refuge qui nous assure une première valeur de l'être : l'immobilité. Il est le sûr local, le proche local de mon immobilité. Le coin est une sorte de demi-boîte, moitié murs, moitié porte. Il sera une illustration pour la dialectique du dedans et du dehors…", p. 131. </ref> en direction de la salle de bains (Cf. Photogramme – Porte 12.) <span id="ancre_31ap"></span> [[Fichier:livrep6.jpg|200px|thumb|right|'''Photogramme - Porte 12''' : ''Nostalghia'', '''Plan 31a'''. Le Poète jette le livre dans le coin droit de la chambre, devant la salle de bain.]] La Traductrice n'a pas jeté le livre, (comme il le lui demandera dans le hall de l’hôtel), lui s'en charge. Un peu plus tard, la Traductrice jettera sa brosse à cheveux dans ce même coin (plan 74e). Au plan 31, la salle de bain s'obscurcit complètement. Quelques secondes plus tard, un mystérieux [[chien]] sort de la salle de bain (31h), contourne le lit, et se couche aux pieds du Poète, devant une grosse flaque d'eau. <ref>Ce plan annonce le [[Maison#ancre_123ap|dernier plan du film]], en tout cas, il lui ressemble. </ref> Un verre tombe sans se casser (31i). Le poète s'endort. Il rêve.    <center>*</center>  ====Le rêve, porte de la conscience==== ''' <span id="ancre_35a">Plan</span> 35a :''' '' 29' 46''&quot;: Le poète se lève et quitte le lit, laissant derrière lui sa femme enceinte, allongée. Elle est dans le lit de la chambre de l'hôtel. Le lit n'est plus perpendiculaire au mur, mais parallèle. (Cf. '''Photogramme – Porte 13''') <span id="ancre_35ap"></span> [[Fichier:litp1.jpg|200px|thumb|right|'''Photogramme - Porte 13''' : ''Nostalghia'', '''Plan 35a'''. La femme enceinte du Poète allongée sur le lit, parallèle au mur. ]]  ''' <span id="ancre_35b">Plan</span> 35b :''' '' 30' 12''&quot; : Un zoom avant lent va cadrer la femme allongée, mais au fur et à mesure, l'image va s'obscurcir complètement, jusqu'au point où le fond (nostalgique) va devenir noir. (Cf. '''Photogramme – Porte 14'''.)  <span id="ancre_35bp"></span> [[Fichier:litp2.jpg|200px|thumb|right|'''Photogramme - Porte 14''' : ''Nostalghia'', '''Plan 35b'''. Un exemple de l'éclairage particulier du film qui passe du noir (photogramme précédent) à la lumière. Le contraste de la lumière est une caractéristique filmique dans ''[[Nostalghia]]''. Elle participe dans la représentation du concept de l'[[hésitation]].]] Le sens s'établit à partir de la [[Cheveux#Nostalghia, d’Andreï Tarkovski|chevelure]] de la Traductrice, en passant par la grossesse de la femme du Poète et donc de la fertilité créatrice, pour culminer dans le fond noir, laissant illuminé le ventre gonflé de sa femme, comme une montagne magique avec à son sommet l'auréole de son espoir ! En outre, le plan 35b constitue une seconde "image-clé", car il résume "la mission" du Poète. En effet, le Poète est partagé entre deux grandes aspirations : 1. retrouver sa famille (représentée par "la [[Maison#Nostalghia d’Andreï Tarkovski|maison]]"), 2. "sauver le monde", en traversant la piscine. Or, le plan 35b, nous présente en une seconde, les deux pôles de cette alternative : les fenêtres "fermées", qui correspondent à la 1ère mission, et la porte "ouverte" de la salle de bains, qui représente la 2nde mission. Cela explique le fait mystérieux de la sortie impromptue du [[Chien#Nostalghia d’Andreï Tarkovski|chien]] de la salle de bain, qui annonce le dernier plan du film. De plus, [[Résonance#ancre_37a|l'épisode suivant]] du film s'attache à montrer le lien qui va unir la salle de bain et la piscine Sainte-Catherine.  <center>* </center>  ====La porte inutile de « La Maison de la fin du monde »====  '''<span id="ancre_60">Plan</span> 60''' : ''0h 57' 58&quot;'' : Le Poète veut prendre congé. "Le Fou" l'accompagne. Ils traversent le grenier. "Le Fou" passe inutilement une porte flanquée en plein milieu de l'énorme pièce. Il prend le soin d'ouvrir la porte, de se retourner, et de la fermer calmement (60b). (Cf. Photogramme – Porte 15.)  <span id="ancre_60bp"></span> [[Fichier:portep12.jpg|200px|thumb|right|'''Photogramme - Porte 15''' : ''Nostalghia'', '''Plan 60b'''. Le Fou traverse une porte inutile.]]   Le Poète, lui, c'est comme s'il "traversait une autre dimension". Il passe à côté sans aucune constatation.   ====Liens spécifiques du film====  Voir : [[Nostalghia]]   <center>* * *</center>  ==Symbolisme==   L'ouverture et la fermeture de la porte ont une grande importance dans l'histoire et le symbolisme des idées dans le monde. En Chine, il est l'alternance du Yang et du Yin, il est en rapport avec le rythme respiratoire. Dans les traditions juives et chrétiennes, c'est elle qui donne "accès à la révélation". Le Christ lui-même est, "la porte" par laquelle on accède au royaume des cieux. <ref>Jean 10, 9. </ref>   <center>* * *</center>  ==Superstition==  1. Le cas d'une porte qui s'ouvre seule indique une visite indésirable ou une infortune.<br/>2. Si on entend des coups à une porte, des deux côtés de l'Atlantique on peut s'attendre à un décès.<br/>3. Il faut se méfier de la porte qui claque, elle ne présage rien de bon et risquerait de blesser ou d'enfermer un esprit.<br/>4. Une personne qui ferme trop violemment une porte, peut s'attendre à une mauvaise journée.<br/>5. Des visiteurs doivent passer la même porte pour entrer et sortir de la maison, sous peine d'emporter avec eux la chance du propriétaire ou de ne jamais y revenir.<br/>6. Se pincer le doigt en fermant une porte, le franchir à reculons ou faire demi-tour sur le seuil attire la malchance.<br/>7. Deux personnes qui ouvrent une porte au même moment se disputeront bientôt.<br/>8. Les Russes se répugnent à prendre congé d'un visiteur sur le pas d'une porte car une brouille suivrait, ce qu'on explique par le fait qu'une "porte est une séparation interposée, elle indique une rupture."<br/>9. Il est maléfique de se trouver dans une pièce dont deux portes sont ouvertes en même temps et, lorsqu'on effectue une démarche importante, il faut éviter de se placer dos à une porte ouverte. <ref> '''Éloïse Mozzani''', ''Le livre des Superstitions'', [[op. cit.]], p. 687.</ref>
<span id="ancre_1"></span> [[Fichier:p.jpg|200px|thumb|right|'''Photogramme - Génuflexion 1''' : ''Andreï Roublev'', '''Plan '''. ]]
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== Notes et références ==