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Nostalghia

152 octets ajoutés, 20 avril 2012 à 16:01
/* Bilan et perspectives */
Nous allons effectuer un bilan sur l'ensemble des questions que nous avons soulevées à propos du film. Tout d'abord, nous constatons que notre «méthode de l'arbre cinémantique» n'est pas systématique, puisque nous suivons d'abord les propositions et les suggestions des plans du film. Les objets dans un film sont spécifiques, et ils sont interdépendants des structures intimes du film. Ainsi nous développons une figure selon ses exigences ontologiques. D'un point de vue général, notre objectif principal est avant tout de dévoiler les agents et les agissements [[Thèse:Résumé|cinémantiques]] dans un film. C'est en quelque sorte saisir le degré et le type de divination d'un objet dans un plan déterminé. Mais rien n'est plus fugace et éphémère qu'un signe ou un symbole. En effet, il suffit d'un tout petit changement, d'une altération, d'une transformation du signe pour qu'il devienne tout autre. De plus, la complexité de l'analyse d'un film sous un angle [[Thèse:Résumé|cinémantique]] provient d'abord du fait que nous avançons constamment sur un «terrain vierge», qui ne cesse d'offrir des aspects et des faits pertinents, soit de l'ordre d'un objet, soit de l'ordre du cadrage et de la présentation de l'objet. Naturellement ces aspects sont «toujours» particuliers, ils ne concernent en général que le film en question. Toutefois, plusieurs aspects particuliers d'un même fait engendrent les prémices d'une découverte, comme par exemple la valeur des cheveux ou du rêve, ou la relation des [[cheveux]] dans le [[rêve]], notamment le plan 33. <ref>Les longs [[cheveux]] «en vague» ne sont-ils pas une représentation directe d'un [[rêve]] ? Comme le [[Maison|paysage miniature]] dans la maison du Fou, l'enchevêtrement des cheveux de la Traductrice dessine «une cascade d'attirance», une image vibrante et pleine d'ondulations, des relations entre le couple formé par la Traductrice et le Poète. Le plan 33 propose aussi «une idée de la distance», même de deux distances. La première «distance» est spatiale, c'est la distance physique qui sépare les deux visages du couple. La seconde «distance» est temporelle : le plan 33 suit le plan 31j, celle du zoom-avant sur une mèche de cheveux blancs du Poète qui suggère une plume. </ref> De la sorte, nous pensons nous trouver sur des voies épistémologiques.
Il faut ajouter aussi que le film ''Nostalghia'', cache et soulève un nombre considérable de questions, auxquelles nous n'avons pas pu répondre au fur et à mesure de leur apparition. Cela à la fois au niveau spatial et au niveau temporel. Les deux niveaux obéissent, chacune à leurs manières, d'une part, à la question de la «durée» « durée » d'un plan ; et d'autre part, à la question du «rythme» « rythme » de passage des plans, c'est en fait, la question du montage, <ref>Cf. ''J. Mitry,'' tome 1, IIIème section, Le rythme et le montage, ''[[Thèse:Bibliographie#ancre_4|op. cit.]]'', pp. 267-412, en particulier, Regards sur le rythme, 287-295 ; Le rythme prosodique, 312-328 ; Rythme et montage, 346-353 ; tome 2, IV section, Rythme et prises de vues mobiles, 7-166, Conclusions sur le rythme : (…) "s'il est évident que le rythme est l'effet d'une activité perceptive qui groupe des durées selon des formes distinctes ou assimilables entre elles, cette activité ne peut se produire que sur un donné qui la permet. (…) le rythme est "corrélatif" à une organisation des choses." p. 166 ; "il n'y a au cinéma que deux temps – long et bref – les relations métriques ne sont pas homologues des relations d'intensité." ''op. cit.'', p. 168. </ref> G. Bachelard, aurait dit plus précisément dans notre cas, «une rythmanalyse».<ref>Cf. ''Poétique de l'espace'', ''[[Thèse:Bibliographie#ancre_14|op. cit.]]'' </ref>Toutes ces questions font souvent partie de «plans [[Thèse:Résumé|cinémantiques]]», à la fois au niveau de leurs fondements et de leurs formations. De plus, nous avons vu qu'en général les plans [[Thèse:Résumé|cinémantiques]] sont toujours d'une durée très courte (sauf pour les rêves). Ils sont des «moments éclairs» à l'intérieur d'un plan. <ref>Ou des "moments flashs". C'est pour cette raison que dans l'Introduction générale, nous avons soulevé l'idée de savoir si les "plans en insert" ont un grand potentiel cinémantique. Peut-être pas directement dans "la destination", mais certainement dans "le trajet". </ref> L'analyse d'un plan à l'intérieur d'une séquence ou d'un épisode indique les «directions» proposées par le cinéaste, mais, elle ne nous rapproche pas de la «destination finale» du film, qui est certes multiple, mais qui mérite de notre côté, qu'on se rapproche davantage. Et nous pensons que cette tentative a lieu, seulement si «l'analyse filmique s'effectue en traversant le film de part en part», du [[Premier (plan d'un film)|premier]] plan du film au dernier plan du film. Ce n'est qu'au terme de cette phase analytique que nous sommes en mesure de nous engager dans une analyse soutenue par les propositions des images dans un film. C'est pour cette raison que nous avons soulevé beaucoup de questions, et que nous n'avons pas livré toutes les réponses. Pour comprendre ce dernier point nous devons remonter à l'origine de notre recherche. Nous avons cru au début dans notre «mémoire»,<ref> Cf. Mémoire D.E.A. Strasbourg 1994, ''[[Thèse:Bibliographie#ancre_10|op. cit.]]'', </ref> qu'un [[objet]] «[[Catalogie (de l'objet)|catalogique]] (ou [[Thèse:Résumé|cinémantique]])» dépend étroitement de son «propriétaire». Il en va ainsi par exemple du lorgnon du médecin du Potemkine, ou de la bouteille de vin du curé d'Audincourt, etc. L'idée est juste jusqu'à un certain point. Cependant il se peut qu'un [[objet]] n'appartienne pas à un protagoniste d'un film, et pourtant intervient dans un processus [[Thèse:Résumé|cinémantique]] qui le concerne. Tel est le cas près de nous, de la [[plume]], du [[chien]] noir et blanc, des [[Chambre|volets et de la fenêtre]], d'un interrupteur, etc. Or, c'est à partir de ce constat et de son approfondissement que nous avons découvert qu'un objet dans une image n'agit pas et n'intervient pas exclusivement sur les principaux protagonistes uniquement. La partie suivante va s'attacher de montrer les relations complexes qui se créent d'une part entre les protagonistes entre eux, et d'autre part, entre les protagonistes et les objets.
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Ainsi, chaque personnage a un rôle relativement important dans la diégèse. Nous ne pouvons pas développer toutes les ramifications ([[habit]], geste, disposition, [[Liaison (cinématographique)|liaison]], etc.) qui se cristallisent à partir de ce constat. Nous voulons juste souligner (démontrer) les étroites liaisons qui coexistent entre les personnages et les protagonistes, indépendamment de leurs volontés. Cela implique qu'à tout moment, n'importe quel personnage (dans n'importe quel film) peut avoir un potentiel de "[[résonance]] [[Thèse:Résumé|cinémantique]]". Où ? Quand ? Et, comment ? Nous verrons cela à fur et à mesure. A présent, nous devons insister sur un autre fait majeur :
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===L'importance du premier plan d'un film===
Le prologue du film nous livre d'emblée un certain nombre d'indices révélateurs. Ainsi par exemple, le simple fait de [[Attente|descendre une petite pente]], nous l'avons dit, est un témoignage direct, qui "projette ou annonce"<ref>Les deux verbes projeter et annoncer, n'amorcent-ils pas toujours une certaine interprétation divinatoire ? Ne dessinent-ils pas une certaine alternative téléologique ? Un simple indice provoque toujours une réaction en chaîne, dont il s'agira de saisir et de suivre les enchaînements, comme nous allons le voir au cours de nos pages. </ref> des faits significatifs. L'action du [[Premier (plan d'un film)|premier]] plan de ''Nostalghia'' se déroule dans un cadre fixe (puisqu'il est fixe dans l'esprit du Poète <ref>C'est à ce niveau qu'on doit faire attention dans le choix de notre vocabulaire. Le terme "plan" désigne l'ensemble d'une action qui s'est déroulée dans un temps "réel". Plus précisément, un plan nous montre une somme d'actions. En revanche le terme "image", désigne une moment significatif et individuel, qui concerne en général un seul protagoniste ou parfois plusieurs, comme dans le plan 14, "les plumes sur les cierges". Enfin le terme "figure" illustre un objet particulier, à l'intérieur d'un plan (ou d'une image) qui peut se permettre un débordement extra-cinématographique. </ref> - ici, le "plan" est une "image"), et sur trois temps : deux temps brefs et un temps long. Les deux premiers temps sont actifs, c'est d'une part l'introduction progressive des quatre personnages (accompagnés du [[chien]]), et d'autre part, la descente de la petite pente que les personnages vont entreprendre. Le troisième temps (long) correspond à l'arrêt des personnages au centre de l'image. Au centre de l'image, nous distinguons "un [[poteau]]", il représente en fait, un cinquième "personnage" (ou un "être cher" au Poète) : c'est la terre elle-même ou le pays du Poète, et c'est autour de cet axe que vont pivoter les personnages du prologue. Un axe fiché dans le sol natal, comme une flèche monumentale qui indique la cible du Poète, sa "destinée".
Il reste enfin le [[cheval]] blanc et le [[chien]]. Ainsi le premier plan ne présente pas seulement quatre personnages, mais sept "êtres chers" au Poète. Car le chien et le cheval vont acquérir un poids croissant dans le film.<ref> Toutes proportions gardées, nous considérons le [[chien]] comme étant une figure majeure (''Cf. Infra.'' Note suivante), et le [[cheval]] comme une figure mineure avec seulement trois apparitions, contrairement à ''[[Andreï Roublev]]'' où la situation est inversée. </ref> Tout d'abord ces deux figures ouvrent et ferment le film. Le [[chien]] du prologue ira se coucher aux pieds de son maître dans le postlogue.<ref>Soulignons les nombreuses présences d'un chien dans le film. Elles mériteraient une étude particulière, que nous ne pouvons pas effectuer dans le cadre de notre travail. Les apparitions de chien sont les suivants : I. l (Ier épisode, 1er plan.) ; II. Plan 24, le chien noir et blanc ; III. Plan 25, le chien et le bout de bois ; IV. Plan 31h-j, le chien de la salle de bain (relation avec le symbolisme de l'eau, et donc de la flaque d'eau ; V. Plans 37b-39, Zoé près de la piscine ; VI. Plans 46b-60, Zoé dans "la maison de la fin du monde" ; VII. Plan 62; VIII. Plan 81c; X. Plans 112, 114, 117; XI. 122. (dernier plan du film). </ref> Ce dernier plan est annoncé au plan 31h. Dans les deux plans, 31h et 122 nous avons une illustration de la double valeur symbolique du chien : divinatoire et psychopompe. Quant au cheval blanc, il propose d'une part, une idée de [[passage]], il passe ici d'une forme vivante à une forme "statufiée" ou artistique ; d'autre part, il est en liaison avec le [[poteau]] central, qui lui, est en relation avec le plan 3, l'[[arbre]] au centre de l'image. En définitive, grâce au premier plan du film, nous obtenons trois équations. (Cf. '''Tableau 1'''.)
Il reste enfin d'équation, la [[maison]] du Poète qui n'est pas directement <ref>La maison est annoncée dans le Prologue indirectement grâce aux quatre personnages. </ref>annoncée dans le Prologue, mais au bout du IIème épisode, au plan 18. <ref>Les autres plans de la maison du Poète sont les suivants : III. 25 ; VIII. 78, nous sommes dans ce plan à l'intérieur de la maison, le plan des trois [[Rideau|rideaux]] et de la [[colombe]] ; VIII. 79-81, maison → soleil → Poète ; XI. 120. </ref> En effet, la figure de la maison dans ce film, propose plusieurs variantes métaphoriques : à la maison natal du Poète, il faut ajouter "la maison de la fin du monde" (VI), la maison brûlée de Milan (III. 21), et surtout la jonction et la transition entre la maison natale (IV. 32-34) et "la chambre sans fenêtre" (IV. 35a et 35b). Au terme de ce passage, le lit est de travers, allusion à la piscine qui sera traversée, et la femme du Poète enceinte, c'est une allusion à la "naissance de l'idée". Par ailleurs, l'aspect de "miniaturisation/monumentalisation"<ref>Cf. '''G. Bachelard''', ''La Poétique de l'Espace,'' chapitre VII, "''La Miniature''", et chapitre VIII, "''L'immensité intime''", ''[[Thèse:Bibliographie#ancre_14|op. cit.]]'', pp. 140-190. Le phénoménologue écrit : (…) "Les valeurs s'engouffrent dans la miniature. La miniature fait rêver." p. 143 ; (…) "Ainsi le minuscule, porte étroite s'il en est, ouvre un monde. Le détail d'une chose peut être le signe d'un monde nouveau, d'un monde qui comme tous les mondes, contient les attributs de la grandeur." p. 146. </ref> annonce à l'horizon la question du rapport entre le représentable et l'imaginable. C'est un thème central de la [[Thèse:Résumé#cinémancie|cinémancie]]. En effet, nous considérons avec G. Bachelard que l'imagination est (…) "une puissance majeure de la nature humaine." <ref>''[[Thèse:Bibliographie#ancre_14|op. cit.]]'' p. 16. </ref>Mais, comment cette "puissance" prend forme ? A partir de quelles sources elle s'alimente pour prendre toute sa vigueur ? Nous pensons que c'est en partie, grâce à l'aspect de "miniaturisation/monumentalisation" que l'imagination accède à une "puissance". Il faut donc que l'esprit critique (celui qui analyse un film) puisse à tout moment devenir (invariablement) aussi minuscule qu'un grain de sable ou aussi gigantesque qu'une étoile. De la sorte, il n'y a plus d'obstacle qui retient l'élan de l'imagination. Certes, cette attitude court le risque de ne pas être prudente. Mais comme le souligne G. Bachelard : (…) "l'attitude "prudente" n'est-elle pas un refus d'obéir à la dynamique immédiate de l'image."<ref>''[[Thèse:Bibliographie#ancre_14|op. cit.]]''p. 3.</ref>
En résumé, nous constatons d'une part que, la "présence" d'un simple élément (ou objet) provoque et amorce une constellation de points de vue, qu'on ne peut pas négliger. L'adhésion à "l'ordre du film" (de son cosmos) est primordial, prioritaire et indispensable, cela implique un visionnement quasi-permanent de la substance filmique ; et d'autre part, "la [[Combinaison (sémantique)|combinaisonsémantique]] sémantique" sera notre instrument de déchiffrement d'une portion du signe filmique. C'est comme quand on soulève un rocher dans un champ, et qu'on aperçoit une vie inconnue et fourmillante, qui s'organise sous la face cachée du rocher. Si nous creusons sous ce rocher, une autre vie apparaît, et ainsi de suite. Ainsi, chaque déplacement est un nouvel emplacement.
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