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De Cinémancie
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La première [[Liaison (cinématographique)|liaison]] qui s'installe d'emblée avec le [[Téléphone#Le téléphone et le rideau sombre|IVème épisode]], nous venons de "l'entendre", c'est d'abord, la mort de Liza. Ensuite, une autre liaison, très subtile commence de nouveau avec le prologue : la parole, ce qui indique le poids déterminant du début du film ([[Main#La parole, la main et le nombre : agents cinémantiques|plans 4 et 5]]). Ainsi, nous avons une constante qui se présente sous différentes variantes : c'est les mots. En effet, dans le prologue, ils sont prononcés et répétés ; au [[Homme (Figures de l’)#ancre_11|plan 11]], ils sont suggérés ; au [[Téléphone#Le téléphone et le rideau sombre|plan 29]], ils sont mous ; et à présent dans cet épisode , ils seront chuchotés, et plus précisément disséqués. Ici, "l'opération" est très délicate, car il s'agit de vie et de mort, puisque, encore une fois, c'est un fait historique et donc réel. Selon Achille Frezzato : (…) "Tout le personnel d'une imprimerie aurait été déporté pour avoir imprimé Sraline (merde) au lieu de Staline et avoir juxtaposé en tête de deux colonnes contiguës Staline et Svinia (porc blanc)." <ref>'''Achille Frezzato''', ''Andrej Tarkovskij, Il Castoro cinema'', n° 48, la Nuova Italia, Ed. Florence, décembre 1977. Cité dans : ''Andreï Tarkovski'', Dossier Positif-Rivage, op. cit., p. 23. Article de '''Barthélemy Amengual''', "Tarkovski le rebelle".  </ref>
 
La première [[Liaison (cinématographique)|liaison]] qui s'installe d'emblée avec le [[Téléphone#Le téléphone et le rideau sombre|IVème épisode]], nous venons de "l'entendre", c'est d'abord, la mort de Liza. Ensuite, une autre liaison, très subtile commence de nouveau avec le prologue : la parole, ce qui indique le poids déterminant du début du film ([[Main#La parole, la main et le nombre : agents cinémantiques|plans 4 et 5]]). Ainsi, nous avons une constante qui se présente sous différentes variantes : c'est les mots. En effet, dans le prologue, ils sont prononcés et répétés ; au [[Homme (Figures de l’)#ancre_11|plan 11]], ils sont suggérés ; au [[Téléphone#Le téléphone et le rideau sombre|plan 29]], ils sont mous ; et à présent dans cet épisode , ils seront chuchotés, et plus précisément disséqués. Ici, "l'opération" est très délicate, car il s'agit de vie et de mort, puisque, encore une fois, c'est un fait historique et donc réel. Selon Achille Frezzato : (…) "Tout le personnel d'une imprimerie aurait été déporté pour avoir imprimé Sraline (merde) au lieu de Staline et avoir juxtaposé en tête de deux colonnes contiguës Staline et Svinia (porc blanc)." <ref>'''Achille Frezzato''', ''Andrej Tarkovskij, Il Castoro cinema'', n° 48, la Nuova Italia, Ed. Florence, décembre 1977. Cité dans : ''Andreï Tarkovski'', Dossier Positif-Rivage, op. cit., p. 23. Article de '''Barthélemy Amengual''', "Tarkovski le rebelle".  </ref>
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Avant d'en arriver à cet événement, nous devons voir l'évolution de la diégèse. Tout d'abord, par rapport à l'unique long plan 29 de l'épisode précédent. Cet épisode se distingue par la multiplication des plans, quelques 25plans. C'est Maroussia qui court sous la pluie. Dans sa course, il y a une prolifération de la figure de la clôture, au plan 30, avec un travelling à gauche qui suit la course de Maroussia, le long d'un grillage continu. (Cf. '''Photogramme – Grillage 1.''')
 
Avant d'en arriver à cet événement, nous devons voir l'évolution de la diégèse. Tout d'abord, par rapport à l'unique long plan 29 de l'épisode précédent. Cet épisode se distingue par la multiplication des plans, quelques 25plans. C'est Maroussia qui court sous la pluie. Dans sa course, il y a une prolifération de la figure de la clôture, au plan 30, avec un travelling à gauche qui suit la course de Maroussia, le long d'un grillage continu. (Cf. '''Photogramme – Grillage 1.''')
  
  
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En ce qui nous concerne, le [[grillage]] est une figure pertinente dans le cinéma en général, et dans la [[Thèse:Résumé#cinémancie|cinémancie]] en particulier. En effet, cette figure obstacle détermine souvent un certain nombre d'indices, souvent stupéfiants. Comme par exemple, dans ''[[Raging Bull]]'' (1980), de Martin Scorsese. <ref>Au début du film, Jake est séduit par Vic. Il demande à son frère Joey de la rencontrer. La rencontre a lieu, devant un terrain de basket grillagé. A leur première rencontre, Jake et Vic sont de part et d'autre du grillage. Jake salue Vic en lui tenant le bout du [[doigt]]. Encore une fois, l'image présente en un éclair l'étendue de l'avenir qui attend Jake. En effet, comme dans l'image, il sera toujours séparé de Vic, et n'obtiendra d'elle que, le bout du doigt, c'est-à-dire, une petite partie de Vic, car elle ne lui était pas fidèle. Cf. [[Grillage]]. </ref>(Cf. [[Grillage#ancre_139p|Photogrammes - Grillage 5 et 6.]])
  
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En ce qui nous concerne, le [[grillage]] est une figure pertinente dans le cinéma en général, et dans la [[Thèse:Résumé#cinémancie|cinémancie]] en particulier. En effet, cette figure obstacle détermine souvent un certain nombre d'indices, souvent stupéfiants. Comme par exemple, dans ''[[Raging Bull]]'' (1980), de Martin Scorsese. <ref>Au début du film, Jake est séduit par Vic. Il demande à son frère Joey de la rencontrer. La rencontre a lieu, devant un terrain de basket grillagé. A leur première rencontre, Jake et Vic sont de part et d'autre du grillage. Jake salue Vic en lui tenant le bout du [[doigt]]. Encore une fois, l'image présente en un éclair l'étendue de l'avenir qui attend Jake. En effet, comme dans l'image, il sera toujours séparé de Vic, et n'obtiendra d'elle que, le bout du doigt, c'est-à-dire, une petite partie de Vic, car elle ne lui était pas fidèle. Cf. [[Grillage]]. </ref>(Cf. [[Grillage#ancre_139p|Photogrammes - Grillage 5 et 6.]])
 
  
 
Par ailleurs, il y aura d'autres figures de barrage : les [[Porte|portes]] ouvertes et fermées, le contrôle à l'entrée. Maroussia a l'air affolé, elle est en fait poursuivie, par elle-même ou plutôt par une faute qui serait tragique. Le premier témoignage directe de la figure de Staline, se trouve au plan 37 : quand elle dit à son chef : "''Vous croyez que j'ai peur.''" Et on aperçoit subrepticement une affiche de Staline. Un second témoignage, se trouve au plan 39, quand elle s'installe au bord d'une fenêtre (comparaison avec la fin du plan 29) et relit avec attention son texte. Il y a alors un glissement de l'image du texte vers une grande affiche sur Staline ou "la terreur". (Cf. '''Photogramme – Affiche de Staline.''')
 
Par ailleurs, il y aura d'autres figures de barrage : les [[Porte|portes]] ouvertes et fermées, le contrôle à l'entrée. Maroussia a l'air affolé, elle est en fait poursuivie, par elle-même ou plutôt par une faute qui serait tragique. Le premier témoignage directe de la figure de Staline, se trouve au plan 37 : quand elle dit à son chef : "''Vous croyez que j'ai peur.''" Et on aperçoit subrepticement une affiche de Staline. Un second témoignage, se trouve au plan 39, quand elle s'installe au bord d'une fenêtre (comparaison avec la fin du plan 29) et relit avec attention son texte. Il y a alors un glissement de l'image du texte vers une grande affiche sur Staline ou "la terreur". (Cf. '''Photogramme – Affiche de Staline.''')
  
 
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Les indices [[Thèse:Résumé|cinémantiques]] sont relativement nombreux. Nous venons de voir le rideau sombre au milieu de la fenêtre qui indique un obstacle, mais un obstacle qu'on peut modifier, comme tirer un rideau. <ref>Il s’agit du long plan 29 qui commence par des rideaux clairs retenus par une cordelière, pour aboutir à deux fenêtres séparées par un trumeau. La fenêtre de gauche a deux rideaux sombres tirés, la fenêtre de droite un seul rideau, disposé au milieu de la fenêtre. </ref> Ensuite il y a eu toutes les chaînes d'indices à propos de la valeur d'un mot, enfin il y a un fait qui remonte au IIème épisode, au [[Vent#ancre_15|plan 15]] : la [[chute]] du [[livre]] de la fenêtre. C'est un fait instantané et révélateur. Chronologiquement les deux épisodes se suivent : tous les deux sont en couleurs. Nous ne reviendrons pas sur l'aspect d'un [[objet]] en chute. <ref>Cf. [[Thèse:Introduction:Approches de la cinémancie#Les origines de la recherche|Introduction générale.]] </ref> Au plan 15, l'aspect paradoxalement léger du livre soufflé par le [[vent]], et emporté à l'extérieur, correspond à l'aspect presque insignifiant d'une faute de frappe : Staline en sraline. Toutefois, au bout de la faute, il y aurait eu des conséquences dramatiques pour le personnel et pour leurs familles, ce qui peut aussi expliquer la présence du passant, (une erreur en passant !) qui représente en quelque sorte "les autres". Ceci démontre la grande valeur accordée à la structure formelle et fondamentale des éléments présentés précédemment. L'implication est importante : cinémantiquement parlant, nous ne cessons pas de le répéter : il ne suffit pas de distinguer les plans cinémantiques purs ([[objet]] en [[chute]], moment [[insolite]], [[clédon]], etc. ) mais, il faut aussi distinguer les plans qui précédent ou qui devancent les plans cinémantiques purs.
 
Les indices [[Thèse:Résumé|cinémantiques]] sont relativement nombreux. Nous venons de voir le rideau sombre au milieu de la fenêtre qui indique un obstacle, mais un obstacle qu'on peut modifier, comme tirer un rideau. <ref>Il s’agit du long plan 29 qui commence par des rideaux clairs retenus par une cordelière, pour aboutir à deux fenêtres séparées par un trumeau. La fenêtre de gauche a deux rideaux sombres tirés, la fenêtre de droite un seul rideau, disposé au milieu de la fenêtre. </ref> Ensuite il y a eu toutes les chaînes d'indices à propos de la valeur d'un mot, enfin il y a un fait qui remonte au IIème épisode, au [[Vent#ancre_15|plan 15]] : la [[chute]] du [[livre]] de la fenêtre. C'est un fait instantané et révélateur. Chronologiquement les deux épisodes se suivent : tous les deux sont en couleurs. Nous ne reviendrons pas sur l'aspect d'un [[objet]] en chute. <ref>Cf. [[Thèse:Introduction:Approches de la cinémancie#Les origines de la recherche|Introduction générale.]] </ref> Au plan 15, l'aspect paradoxalement léger du livre soufflé par le [[vent]], et emporté à l'extérieur, correspond à l'aspect presque insignifiant d'une faute de frappe : Staline en sraline. Toutefois, au bout de la faute, il y aurait eu des conséquences dramatiques pour le personnel et pour leurs familles, ce qui peut aussi expliquer la présence du passant, (une erreur en passant !) qui représente en quelque sorte "les autres". Ceci démontre la grande valeur accordée à la structure formelle et fondamentale des éléments présentés précédemment. L'implication est importante : cinémantiquement parlant, nous ne cessons pas de le répéter : il ne suffit pas de distinguer les plans cinémantiques purs ([[objet]] en [[chute]], moment [[insolite]], [[clédon]], etc. ) mais, il faut aussi distinguer les plans qui précédent ou qui devancent les plans cinémantiques purs.
  
Enfin, pour finir le registre du mot, Freud <ref>'''Sigmund Freud''', ''Le mot d'esprit et sa relation à l'inconscient'', traduit de l'allemand par Denis Messier, Éditions Gallimard, (1940) 1988.  </ref> avait un faible pour les histoires de "marieurs". C'est que le "witz" - le mot ou le trait d'esprit - met en rapport des choses et des pensées hétérogènes : il les condense, il les combine. Aux yeux de Freud, le witz est une formation de l'inconscient plus qu'une production volontaire. Or après que Maroussia a fait son travail de vérification et est retournée à son bureau, un poème en voix-off surgit : " ''Et nul mot ne la fait taire, nul mouchoir ne l'essuie…''" Elle est en larmes, et elle dit à Liza : " ''Il n'y avait rien.''" Elle chuchote à son oreille de quoi il s'agit. Ainsi Maroussia transforme inconsciemment un nom propre en un nom commun, qui indique par-là l'opinion qu'elle porte au tyran, et, par la même occasion, l'opinion du réalisateur. D'ailleurs, l'épisode se poursuit sur la ressemblance de Maroussia avec Maria Timafievna la boiteuse, sœur du capitaine Lebiadkine, personnage autoritaire du roman de Dostoïevski, Les Possédés. Mais au plan 42, c'est Liza qui avait l'air particulièrement sévère, despotique, pour ne pas dire tyrannique. Un clair-obscur contribue à exprimer la dureté de son visage.
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Enfin, pour finir le registre du mot, Freud <ref>'''Sigmund Freud''', ''Le mot d'esprit et sa relation à l'inconscient'', traduit de l'allemand par Denis Messier, Éditions Gallimard, (1940) 1988.  </ref> avait un faible pour les histoires de "marieurs". C'est que le "witz" - le mot ou le trait d'esprit - met en rapport des choses et des pensées hétérogènes : il les condense, il les combine. Aux yeux de Freud, le witz est une formation de l'inconscient plus qu'une production volontaire. Or après que Maroussia a fait son travail de vérification et est retournée à son bureau, un poème en voix-off surgit : " ''Et nul mot ne la fait taire, nul mouchoir ne l'essuie…''" Elle est en larmes, et elle dit à Liza : " ''Il n'y avait rien.''" Elle chuchote à son oreille de quoi il s'agit. Ainsi Maroussia transforme inconsciemment un nom propre en un nom commun, qui indique par-là l'opinion qu'elle porte au tyran, et, par la même occasion, l'opinion du réalisateur.  
 
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<span id="ancre_45p"></span>[[Fichier:Lisa_Tarkovski_lemiroir_plan000_lisa_severe_1400p1.jpg|300px|thumb|right|alt='''Photogramme Visage de lisa. ''' ''[[Miroir (Le)|Miroir (Le)]].'' '''Plan 45.''' L'attitude despotique de Lisa.|'''Photogramme Visage de lisa. ''' ''[[Miroir (Le)|Miroir (Le)]].'' '''Plan 45.''' L'attitude despotique de Lisa.]]
  
  
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D'ailleurs, l'épisode se poursuit sur la ressemblance de Maroussia avec Maria Timafievna la boiteuse, sœur du capitaine Lebiadkine, personnage autoritaire du roman de Dostoïevski, Les Possédés. Mais au plan 42, c'est Liza qui avait l'air particulièrement sévère, despotique, pour ne pas dire tyrannique. Un clair-obscur contribue à exprimer la dureté de son visage.
  
  

Version du 23 juillet 2012 à 02:05

Into the Wild, plan 1421. Au cours de la lecture, gros plan sur le mot gens (people), qui va se détacher de la page et qui va grossir. Lire la suite.
Into the Wild, plan 1421. Au cours de la lecture, gros plan sur le mot gens (people), qui va se détacher de la page et qui va grossir. Lire la suite.
«  La découverte suprême du génie humain : l'art d'écrire, grâce

auquel la continuité de la pensée devient possible et la permanence des œuvres, assurée, était pour l'essentiel le monopole des scribes, membres du clergé, qui entretenaient une tradition l'attribuant à une révélation divine. »

A. Guillaume. Prophétie et divination, op. cit., p. 22.


Autres titres de films

Mode d'emploi de la figure (mot) et abréviations


Titre Titre original Réalisation Scénario Année Pays Durée
12 Hommes en Colère 12 Angry Men Lumet Sidney Rose R. 1957 USA 89
Couleur du mensonge (La) The human stain Benton Robert Blasband Philippe 2003 USA 128
Enfant sauvage (L') Enfant sauvage (L') Truffaut François Truffaut fr.
Gruault J. d'après le roman Mémoires et rapport sur Victor de l'Aveyron de Itard J.
1970 France 83
Kill Bill 1 Kill Bill 1 Tarantino Quentin Tarantino Quentin , Thurman Uma 2003 USA 111
Mathilde

§. La question du mot
§. Φω. 8. Plan 81
§. Φω. 20. Plan 355
§. Φω. 27. Plan 615
§. Φω. 40. Plan 987
§. Plan 1330

(Voir détail : Mathilde) Mimica Nina Mimica Nina 2004 Italie, Espagne, Angleterre, Allemagne 97
Miroir (Le) (Voir détail : Zerkalo) Tarkovski Andreï Tarkovski A.

Micharine A.

Et poèmes d'Arseni Tarkovski.
1975 URSS 106
Rideau Déchiré (Le) Torn Curtain Hitchcock Alfred Moore Brian 1966 USA 128
Shining The shining Kubrick Stanley Johnson D.,
King S.,
Kubrick S.
1980 USA,
Angleterre
120
Sierra Torride Two Mules for Sister Sara Siegel Don Maltz A., Histoire de Boetticher Budd 1970 USA, Mexique 116


* * *



Photogrammes extraits des films - Analyse et liens spécifiques des films

Le Miroir, d'Andreï Tarkovski

Voir :

« Les mots sont impuissants à rendre tout ce que l'homme ressent, ils sont trop mous. » -

*


La coquille dans l’imprimerie – Mot et maux ; page et grillage

La première liaison qui s'installe d'emblée avec le IVème épisode, nous venons de "l'entendre", c'est d'abord, la mort de Liza. Ensuite, une autre liaison, très subtile commence de nouveau avec le prologue : la parole, ce qui indique le poids déterminant du début du film (plans 4 et 5). Ainsi, nous avons une constante qui se présente sous différentes variantes : c'est les mots. En effet, dans le prologue, ils sont prononcés et répétés ; au plan 11, ils sont suggérés ; au plan 29, ils sont mous ; et à présent dans cet épisode , ils seront chuchotés, et plus précisément disséqués. Ici, "l'opération" est très délicate, car il s'agit de vie et de mort, puisque, encore une fois, c'est un fait historique et donc réel. Selon Achille Frezzato : (…) "Tout le personnel d'une imprimerie aurait été déporté pour avoir imprimé Sraline (merde) au lieu de Staline et avoir juxtaposé en tête de deux colonnes contiguës Staline et Svinia (porc blanc)." [1]

Photogramme Grillage 1.  Miroir (Le). Plan 30. Un travelling latéral filme Maroussia qui court le long d'un grillage.
Photogramme Grillage 1. Miroir (Le). Plan 30. Un travelling latéral filme Maroussia qui court le long d'un grillage.

Avant d'en arriver à cet événement, nous devons voir l'évolution de la diégèse. Tout d'abord, par rapport à l'unique long plan 29 de l'épisode précédent. Cet épisode se distingue par la multiplication des plans, quelques 25plans. C'est Maroussia qui court sous la pluie. Dans sa course, il y a une prolifération de la figure de la clôture, au plan 30, avec un travelling à gauche qui suit la course de Maroussia, le long d'un grillage continu. (Cf. Photogramme – Grillage 1.)


En ce qui nous concerne, le grillage est une figure pertinente dans le cinéma en général, et dans la cinémancie en particulier. En effet, cette figure obstacle détermine souvent un certain nombre d'indices, souvent stupéfiants. Comme par exemple, dans Raging Bull (1980), de Martin Scorsese. [2](Cf. Photogrammes - Grillage 5 et 6.)

Photogramme Affiche de Staline Miroir (Le). Plan 39. Nous distinguons à gauche derrière une machine à imprimer la grande affiche de Staline.
Photogramme Affiche de Staline Miroir (Le). Plan 39. Nous distinguons à gauche derrière une machine à imprimer la grande affiche de Staline.


Par ailleurs, il y aura d'autres figures de barrage : les portes ouvertes et fermées, le contrôle à l'entrée. Maroussia a l'air affolé, elle est en fait poursuivie, par elle-même ou plutôt par une faute qui serait tragique. Le premier témoignage directe de la figure de Staline, se trouve au plan 37 : quand elle dit à son chef : "Vous croyez que j'ai peur." Et on aperçoit subrepticement une affiche de Staline. Un second témoignage, se trouve au plan 39, quand elle s'installe au bord d'une fenêtre (comparaison avec la fin du plan 29) et relit avec attention son texte. Il y a alors un glissement de l'image du texte vers une grande affiche sur Staline ou "la terreur". (Cf. Photogramme – Affiche de Staline.)



Les indices cinémantiques sont relativement nombreux. Nous venons de voir le rideau sombre au milieu de la fenêtre qui indique un obstacle, mais un obstacle qu'on peut modifier, comme tirer un rideau. [3] Ensuite il y a eu toutes les chaînes d'indices à propos de la valeur d'un mot, enfin il y a un fait qui remonte au IIème épisode, au plan 15 : la chute du livre de la fenêtre. C'est un fait instantané et révélateur. Chronologiquement les deux épisodes se suivent : tous les deux sont en couleurs. Nous ne reviendrons pas sur l'aspect d'un objet en chute. [4] Au plan 15, l'aspect paradoxalement léger du livre soufflé par le vent, et emporté à l'extérieur, correspond à l'aspect presque insignifiant d'une faute de frappe : Staline en sraline. Toutefois, au bout de la faute, il y aurait eu des conséquences dramatiques pour le personnel et pour leurs familles, ce qui peut aussi expliquer la présence du passant, (une erreur en passant !) qui représente en quelque sorte "les autres". Ceci démontre la grande valeur accordée à la structure formelle et fondamentale des éléments présentés précédemment. L'implication est importante : cinémantiquement parlant, nous ne cessons pas de le répéter : il ne suffit pas de distinguer les plans cinémantiques purs (objet en chute, moment insolite, clédon, etc. ) mais, il faut aussi distinguer les plans qui précédent ou qui devancent les plans cinémantiques purs.

Enfin, pour finir le registre du mot, Freud [5] avait un faible pour les histoires de "marieurs". C'est que le "witz" - le mot ou le trait d'esprit - met en rapport des choses et des pensées hétérogènes : il les condense, il les combine. Aux yeux de Freud, le witz est une formation de l'inconscient plus qu'une production volontaire. Or après que Maroussia a fait son travail de vérification et est retournée à son bureau, un poème en voix-off surgit : " Et nul mot ne la fait taire, nul mouchoir ne l'essuie…" Elle est en larmes, et elle dit à Liza : " Il n'y avait rien." Elle chuchote à son oreille de quoi il s'agit. Ainsi Maroussia transforme inconsciemment un nom propre en un nom commun, qui indique par-là l'opinion qu'elle porte au tyran, et, par la même occasion, l'opinion du réalisateur.


Photogramme Visage de lisa.  Miroir (Le). Plan 45. L'attitude despotique de Lisa.
Photogramme Visage de lisa. Miroir (Le). Plan 45. L'attitude despotique de Lisa.


D'ailleurs, l'épisode se poursuit sur la ressemblance de Maroussia avec Maria Timafievna la boiteuse, sœur du capitaine Lebiadkine, personnage autoritaire du roman de Dostoïevski, Les Possédés. Mais au plan 42, c'est Liza qui avait l'air particulièrement sévère, despotique, pour ne pas dire tyrannique. Un clair-obscur contribue à exprimer la dureté de son visage.


C'est peut-être le subterfuge qu'Andreï Tarkovski choisit pour suggérer de nouveau, par déviation, des éléments de réponse à la vive inquiétude de Maroussia, soulignée dans la séquence avec la vive altercation entre les deux femmes. Signalons au passage la présence silencieuse du chef durant l'altercation des deux femmes : finalement, Le Miroir est un film sur les femmes. Peu après, au plan 50, Maroussia décide de se doucher, mais à un moment, l'eau se tarit. Trois épisodes avec Maroussia, trois épisodes avec de l'eau. Et le feu n'est pas loin non plus.

*

Le mot à la lettre

Il s'agit de la séquence ou l'orphelin n'exécute pas l'ordre de son chef de "tourner". L'orphelin répond : "tournez-vous, ça veut dire 360°" (plan 93). L'entraîneur agacé lui dit : "quels degrés, tournez-vous." La réponse du jeune est en fait une mise au point. En effet, ce passage rejoint et alimente de nouveau, selon une nouvelle configuration, les constatations sur la valeur des mots. L'adolescent prend les mots aux pieds de la lettre. Il exécute exactement la signification réelle du mot, et pas, ce qu'il sous-entend. [6] Un mot n'est pas une seule chose, et une chose n'est pas un seul mot, il existe entre eux un champ de relation et de signification. Pour être juste, l'expression de l'entraîneur aurait dû être : "tournez-vous face aux cibles."


*


Liens spécifiques du film

Voir : Miroir (Le)


* * *


Voir aussi


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Notes et références

  1. Achille Frezzato, Andrej Tarkovskij, Il Castoro cinema, n° 48, la Nuova Italia, Ed. Florence, décembre 1977. Cité dans : Andreï Tarkovski, Dossier Positif-Rivage, op. cit., p. 23. Article de Barthélemy Amengual, "Tarkovski le rebelle".
  2. Au début du film, Jake est séduit par Vic. Il demande à son frère Joey de la rencontrer. La rencontre a lieu, devant un terrain de basket grillagé. A leur première rencontre, Jake et Vic sont de part et d'autre du grillage. Jake salue Vic en lui tenant le bout du doigt. Encore une fois, l'image présente en un éclair l'étendue de l'avenir qui attend Jake. En effet, comme dans l'image, il sera toujours séparé de Vic, et n'obtiendra d'elle que, le bout du doigt, c'est-à-dire, une petite partie de Vic, car elle ne lui était pas fidèle. Cf. Grillage.
  3. Il s’agit du long plan 29 qui commence par des rideaux clairs retenus par une cordelière, pour aboutir à deux fenêtres séparées par un trumeau. La fenêtre de gauche a deux rideaux sombres tirés, la fenêtre de droite un seul rideau, disposé au milieu de la fenêtre.
  4. Cf. Introduction générale.
  5. Sigmund Freud, Le mot d'esprit et sa relation à l'inconscient, traduit de l'allemand par Denis Messier, Éditions Gallimard, (1940) 1988.
  6. Comme dans Napoléon de Sacha Guitry, Joséphine devant la porte de Napoléon fâché. Elle lui dit : "Ouvrez-moi !" Elle devait dire : "Ouvrez-moi la porte !"


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