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Miroir (Le)

13 526 octets ajoutés, 31 juillet 2011 à 12:06
T. Ogorodnokova (La Dame en noir.)<br/>
I. Smoktounovski (La voix d' Alexeï, le narrateur.)<br/>
 
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==Aspects extra filmiques==
Le 7 septembre : (...) « Il faut absolument faire ''Une journée blanche''. C'est aussi une partie de ce travail (le travail de former chez les enfants le sens de la dignité et de l'honneur, un devoir) (…) On peut en faire un film splendide. Ce sera justement un exemple où tout sera construit sur l'expérience personnelle. Et je suis convaincu que, grâce à ça, le film parlera beaucoup au spectateur. » (C.J. p. 25.) Le « film doit parler », comme dans le prologue du film où la femme-médecin dit à son patient : « Toute ta vie, tu parleras haut et net ». Nous comprenons ainsi pourquoi les autorités soviétiques se méfiaient d'Andreï Tarkovski. Cette question a certainement contribué à une détermination de la part du cinéaste. Après des nombreuses péripéties, il déclare le 10 juillet 1984 à Milan de ne plus revenir en Union Soviétique.
Le 18 septembre : (...) « Tchoukhraï <ref> Tchoukhraï : Réalisateur russe, né en 1921, directeur d'une unité de production expérimentale relativement indépendante de Mosfilm. </ref> m'a demandé de lui apporter le scénario d"Une journée blanche". Il veut que je le réalise chez eux. (…) ''Ariel''[6<ref>"Ariel" : Titre d'un scénario jamais réalisé. L'action se déroule dans un monastère des montagnes du Pamir au cours de la première guerre mondiale. Partant d'un roman d'Ariel "Sur «Sur un homme volant" volant» d'A. Belaiev. Il ne reçut jamais du Goskino (Cf. supra.) l'autorisation du tournage. Les montagnes du Pamir sont un pays montagneux très élevé de l'Asie centrale. Il appartient presque en entier à la Russie, pour le reste à l'Afghanistan. Le Tagharma culmine à 7899m. C'est le "Toit «Toit du monde" monde» des géographes. (Dictionnaire Larousse.) </ref> aussi, il veut l'acheter, paraît-il. On verra. Je ne crois pas en Tchoukhraï, il a souvent trompé les gens. » (''C.J.'' p. 31.)
De ces journées, on peut remarquer deux aspects particuliers. Il y a d'abord le fait que le réalisateur s'occupe de plusieurs scénarios à la fois, tout en gardant une option sur un film particulier, ici c'est ''Une journée blanche''. C'est comme s'il procédait par approximations pour aboutir à une réalisation qui englobe ces divers points de vues comme nous venons de le voir, par exemple, à propos des enfants, « comme un devoir. » Ensuite, il accorde un intérêt « aux «aux hommes volants »volants». [7<ref> Il y a toujours chez Tarkovski une prépondérance pour le thème de l'élévation et de l'accessibilité à des degrés supérieurs. Dans le scénario d'''Ariel'' par exemple, le point de vue géographique n'est pas innocent, il a choisi "le «le toit du monde"monde». C'est une séquence absente du film. </ref> Enfin, nous distinguons l'inconditionnalité du Goskino : aucun film ne peut sortir sans son autorisation.
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===1971===
 
Le 20 août : (...) « Je suis en pourparlers avec Tchoukhraï pour ''Une journée blanche''. » (…) Pour réussir à faire un film en une seule partie (2700m), il faut que j'aie un scénario de 45-50 pages, puisqu'une page dactylographiée équivaut en moyenne à 60m. Or ''Une journée blanche'' a 72 pages, dont 18 d'interviews. <ref>«Interviews directes de (sa) mère». Andreï Tarkovski, ''Le Temps Scellé'', ''[[Thèse:Bibliographie#ancre_1|op. cit.]]'', p. 121. </ref> " (''C.J.'' p. 52.)
 
Le 23 octobre : (...) « Vivement que l'on commence ''Une journée blanche''. Une idée m'est venue, celle de filmer, en parallèle avec «La destruction de l'église», «Un matin sur le champ de Koulikovo».<ref> Célèbre victoire remportée par Dimitri Donskoï sur les Tatars le 8 septembre 1380, et cycle de poèmes d'Alexandre Blok (1880-1921). Andreï Tarkovski aurait voulu filmer cet épisode dans [[Andreï Roublev]], mais n'avait pu le faire pour des raisons budgétaires. </ref> (…) Et le poème de mon père «Enfant, je suis tombé malade»,<ref>«Le Champ de Koulikovo, et Enfant je suis tombé malade», cité une seconde fois, le 14 février 1972. (''C.J.'' p. 62.) </ref> qui s'achèverait sur un ange, debout à la lisière d'un bois.» (''C.J.'' p. 54.)
 
Nous pouvons nous apercevoir, encore une fois, qu'Andreï Tarkovski accorde une grande importance aux titres et aux sous-titres qui semblent être de réels segments filmiques en gestation. Avec le titre ''Une journée blanche'', c'est l'ensemble global du film qui est projeté ; les sous-titres sont des fragments isolés, ils sont placés selon un schéma intérieur qui contribue à l'élévation de l'édifice filmique. Ainsi «La destruction de l'église» ne figurera pas dans ''Le Miroir'', "Le champ de Koulikovo" sera remplacé par une séquence documentaire sur la seconde guerre mondiale : «La traversée du lac de Sivas». Enfin, le poème «Enfant, je suis tombé malade», sera un fragment du film ''[[Nostalgia]]'' (1984). Il nous semble que ce mode de fonctionnement par une «opération mathématique de segmentation filmique» : addition, soustraction, division, intégration, etc. lui permettait d'avoir une vision totale du film.
 
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===1972===
 
Le 9 février : (...) « Apparemment je vais tourner ''Une journée blanche'' dans ma propre unité de production. On s'y mettra avec Ioussov <ref>Vadim Ioussov : chef-opérateur des quatre premiers films d'Andreï Tarkovski, il sera remplacé par Gueorgui Rerberg. </ref> en août-septembre. Ce sera un film difficile à faire (…) et Ioussov ne m'est pas tellement proche et il n'est pas très riche spirituellement. (…) Demander à Rerberg <ref> Rerberg : né en 1937, il travailla entre autres sur quelques films d'Andreï Mikhalkov-Konchalovski. Chez Andreï Tarkovski le cinéma est «affaire de gens proche» c'est presque une entreprise familiale. </ref> de travailler au film ? » (''C.J.'' p. 62.)
 
Le 9 juin : (...) « Je vais donner à Sizov, <ref> Sizov : vice-président du Goskino. </ref> et Ermarch <ref>Filip Ermarch : président du Goskino de 1972 à 1986. </ref> (et lundi à Baskakov <ref>Vladimir Baskakov : premier vice-président du Goskino, responsable de toute la production cinématographique en URSS. </ref>) les deux scénarios - ''Une journée blanche'' et ''Le renoncement''(C'est notre nouveau titre pour ''Ariel''). A vrai dire, si ''Le renoncement'' est accepté, je ne pense pas reprendre ''Une journée blanche''.»(''C.J.'' p. 66.) Voilà une information étonnante, un scénario tout prêt, qui courrait le risque de ne pas être tourné.
 
Le 19 août : (...) « D'après Kamchalov, <ref> Kamchalov : fonctionnaire responsable du cinéma. </ref> il s'est avéré qu'''Une journée blanche'' pourrait passer, à condition de bien expliquer l'idée, qu'ils avaient mal comprise. Au Goskino, c'est la restructuration. Tout le monde panique : on ignore qui va être président. <ref>Et donc ministre d'état. </ref> » (''C.J.'' p. 68.)
 
Le 25 août : (...) « On a limogé Romanov. <ref>Alexei Romanov : président du Goskino de 1968 à 1972. </ref> Et nommé Ermarch à sa place. Jusqu'à présent il n'a pas été désagréable avec moi.» (''C.J.'' p. 68.)
 
Le 17 septembre : (...) « La rencontre au sujet d'''Une journée blanche'' a eu lieu dans le nouveau cabinet d'Ermarch. Outre lui et moi, étaient présents Sizov, Komchalov, Baskakov et Naoumov. Presque toute la page concerne le film, signalons un fait important : « Il a fallu parler du «lien entre le personnage et son pays" ou plutôt avec «la vie de son pays", etc. Ils voulaient tous que je crée quelque chose de nouveau, d'important pour le pays, lié au progrès scientifique et technique. (…) Je leur ai dit que je n'avais rien à voir avec ça, et que je me sentais plus proche des problèmes qui touchent aux humanités… » (''C.J.'' p. 69.)
 
Ici commence l'hostilité d'Ermarch vis-à-vis de Tarkovski. Tout laisse à croire qu'Ermarch avait une idée derrière la tête : celle de lui faire réaliser des films patriotiques de propagande. S'apercevant que Tarkovski serait intransigeant, il fera en sorte de ralentir son activité créatrice.
 
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===1973===
 
Le 4 février : (...) « Le titre ''Une journée blanche'' ne me plaît pas. C'est mou. ''Martyrologe'' <ref> Ou ''Ménologue'' : liste calendaire des martyrs chrétiens. Plus généralement, liste des souffrances ou des victimes mortes pour une cause. </ref> serait un bon titre, mais personne ne connaît ce mot et quand ils sauront ce que ça veut dire, ils l'interdiront ! ''Rédemption'' est plat… ''Confession'' est prétentieux, ''Pourquoi te tiens-tu à l'écart ?'' est mieux, mais peu clair.» (''C.J.'' p. 76.)
 
Le 16 décembre : (...) « Les plafonds suintent dans les trois pièces… Le titre du film ! Je n'arrive pas à trouver quelque chose de très bien. D'exact.» (''C.J.'' p. 90.)
Trois ans vont passer et Andreï Tarkovski hésite énormément sur le titre. Cette hésitation est une marque de l'esprit perfectionniste du cinéaste, car, comme on l'a déjà dit, le titre est en quelque sorte «un éclaireur de sens», un interrupteur d'émotions, le robinet par lequel tout va s'écouler. Il nous semble que le titre Le Miroir a été choisi au cours du tournage, c'est donc à partir des éléments filmiques qui suggèrent un répertoire de «réflexions en miroir», que le titre lui a enfin plu.
 
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===1974===
 
Le 8 mars : (...) « Nous finissons bientôt le tournage. Ça à l'air de marcher. On va voir. Artemiev a refusé de composer la musique pour Le Miroir. (Première citation du film dans le Cahier Journal, sans aucun commentaire.) "Maurice Bessy <ref>Maurice Bessy : délégué du festival de Cannes. </ref> veut que je vienne au festival.» (''C.J.'' p. 100.)
 
Le 13 avril : (...)« Il y a eu une altercation, quand on a montré la copie de travail à Ermarch qui n'a rien compris. (…) Bessy a vu le film, qu'il a hautement apprécié, et qu'il a pris pour Cannes. Mais les supérieurs ne veulent pas le donner : il n'est pas prêt, disent-ils. (…) J'ai fait (je l'espère) la version définitive du montage du film."
Le 21 avril : (...) « Demain, on mixe Le Miroir. » (''C.J.'' p. 100.)
Le 27 juillet : (...) « Ermarch a rejeté Le Miroir. » (''C.J.'' p. 109.)
Le 29 juillet : (...) «(Ermarch) n'y comprend rien («faites compréhensible") des passages entiers lui déplaisent («supprimez-les ! à quoi servent-ils ? (…) Je me demande vraiment comment les choses vont tourner pour Le Miroir. » (''C.J.'' p. 109.)
Le 18 septembre : (...) « On ne voit toujours pas quel sera le sort du Miroir. Ermarch n'accouche de rien, il a peur, il attend.» (''C.J.'' p. 110.)
Le 22 septembre : (...) « Kolia Chicline a parlé avec Ermarch. Les nouvelles ne sont pas rassurantes. Il ne veut ni laisser sortir ''Le Miroir'', ni me laisser tourner ''L'Idiot''.»
Le 26 décembre : (...) « Le succès du ''Miroir'' m'a confirmé une fois de plus dans l'idée qu'il est capital, quand l'auteur raconte quelque chose à l'écran, qu'il soit lui-même profondément ému.» (''C.J.'' p. 114.)
 
A la lumière de ces témoignages qui portent un éclairage singulier sur les cheminements et les balbutiements de la genèse du film, nous pouvons constater, tout d’abord, la grande séparation qui existe entre un film d'auteur-réalisateur et les fonctions découpées du cinéma d'Hollywood par exemple. <ref> Particulièrement pour les major compagnies, où chaque fonction est presque indépendante, les grandes compagnies décidant du choix du scénariste, de celui du réalisateur, etc. Cela n'implique-t-il pas, en fin de compte, (hormis quelques réalisateurs indépendants) qu’un film hollywoodien n'appartient en quelque sorte à personne ? Avec la succession de différentes personnalités pour son élaboration ? Le film ne perde-t-il pas de son authenticité ? </ref> Pourquoi parlons-nous de cela ? Parce que, du point de vue cinémantique, il est nécessaire qu'il y ait un maximum d'authenticité et d'intimité émotionnelle, si l'on ose dire, dans un film. Nous venons de le voir chez Tarkovski pour qui le cinéma est presque «une entreprise familiale». Plus le film est authentique, plus il s'approche d'une certaine vérité et plus les objets et les figures proposés sont «exacts». Un autre élément considérable par rapport aux témoignages du Cahier Journal, c'est le poids considérable du temps consacré à la réflexion du film. Plus de trois ans, par intermittence, et même plus encore, car dès le 15 juin 1970, un premier scénario est déjà écrit. Nous avons vu en partie les états successifs des pénibles démarches qu'Andreï Tarkovski a dû entreprendre pour finir son film, jusqu'au crucial 9 juin 1972 où il voulait tout simplement abandonner ''Une journée blanche'' pour commencer ''Le Renoncement''. Est-ce que c'est par pudeur qu'il préférait tourner le second film ? Ainsi n'aurait-il pas à dévoiler des aspects familiaux du premier ? Ou est-ce qu'il était surtout séduit par l'idée de «l'homme volant» ? Toutefois, une variante sur l'idée de «l'homme volant» sera suggérée dans ''Le Miroir'', en une scène de lévitation, au plan (163) lors de la lévitation du corps de la mère.
 
Par ailleurs, pour Andreï Tarkovski, le temps est la colonne vertébrale de l'édifice filmique, à travers les deux composantes fondamentales du temps : celui consacré à la période de la réflexion filmique, et celui qui «coule» dans le film, nous obtenons des aspects significatifs qui sont dans le droit fil de la [[Thèse:Résumé#cinémancie|cinémancie]], puisque la cinémancie est aussi la survie de l'objet-chose dans le temps. Toutefois, nous ne prenons pas uniquement en considération l'objet matériel, mais aussi l'objet abstrait qui désigne son appellation dans le titre. <ref>C’est le cas, par exemple, du titre ''Ariel'' qui désignait «un homme volant», et qui devient, pour ainsi dire, un objet de réflexion non négligeable dans le potentiel d'une réalisation filmique. </ref> Ces faits expliquent en grande partie notre intérêt quant à la nature, à la fonction et aux paramètres généraux issus des objets. Ils installent et instaurent «la liaison et la logique poétique au cinéma», c'est ce qui intéresse Andreï Tarkovski. <ref>Cf. '''Andreï Tarkovski''', ''Le Temps Scellé,'' ''[[Thèse:Bibliographie#ancre_1|op. cit.]]'', p. 22. </ref> ''Le Miroir'' commence par un prologue très particulier, à travers lequel nous allons saisir quelques données [[Thèse:Résumé|cinémantique]] particulières.
 
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==Liens Spécifiques du film==
 
''Le Miroir'' ([[#Aspects techniques du film|Fiche technique]] et [[#Aspects extra filmiques|aspects extra-filmiques]]) :
 
===Le Prologue (plans 3 -5) ===
 
« [[Main|La parole, la main et le nombre]] » - [[Livre]] (plan 3)
 
===« Le feu au fenil » ou l’Attente brûlante (plans 6 – 21)===
 
1. « [[Clôture]] et rupture »(plans 8 – 12) - [[Cigarette]] (plan 9), « [[Métamorphose]] et déviation des figures de l’homme » (Plans 9 et 11, 24, 38 et 41, 59-73)<br/>
2. « [[Chat]] noir et [[verre]] de lampe à pétrole »(plans 17 – 19)
 
===« Le rêve d’Aliocha » (plans 21 – 28)===
 
« [[Danse]] et [[cheveux]] » (plans 24 – 27) - « [[Eau]] » (plans 20 – 25)
 
===« Le téléphone et le rideau sombre » (plan 29)===
 
===« La coquille à l’imprimerie » (plan 30 – 55)===
 
[[Grillage]] (plan 30)
 
===La question espagnole et l’aérospatiale soviétique (plans 56 -77)===
 
===« Pages froissées, sac renversé et trace d’une tasse de thé » (plans 78 – 86)===
 
« [[Miroir|Miroirs]] intérieurs – Intérieurs du miroir » (plans 24b et 61)
 
===« Jeux et enjeux »(plans 87 – 115)===
 
« [[Jeu|De la grenade à blanc à la bombe atomique]] »
 
===Tour et retour du père (plans 116 – 123)===
 
« [[Verre|Miroir brisé]] »
 
===Le buisson ardent (plans 124 – 135)===
 
« [[Feu#Variation d’éclairage, le mythe du sphinx et l'énigme du coq |Le mythe du sphinx et l’énigme du coq]] »
===Blanc et blancs===
 
« [[Bijou|Bijoux en chute]] » ; « [[Coq]] au cou tranché et [[lait]] débordé » (plans 136 – 161)
 
===Conclusion : Un miroir de feu===
 
« [[Oiseau]] en [[feu]] et en [[vent]] ».
 
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<references />
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