Modifications

Aller à : navigation, rechercher

Main

172 octets ajoutés, 23 août 2011 à 20:28
Après sa "[[Danse#A travers le Miroir, d'Ingmar Bergman|danse énigmatique]] " (dans la [[chambre]] de rencontre avec Dieu). Karen, entre dans la chambre de son père. Elle éteint la chandelle posée sur la [[table]] du bureau. Tout en restant du côté opposé des tiroirs et en regardant en direction de la porte, guettant l'[[arrivée]] de son père, sa main glisse vers les tiroirs, le troisième à partir du bas. (Cf. '''Photogramme Main 1'''.)
<span id="ancre_94p"></span>[[Fichier:mainp1.jpg|200px|thumb|right|Photogramme Main 1 : ''A Travers le Miroir'', '''plan 94'''. La « main-œil » de Karen qui ouvre le tiroir. ]]
Elle ouvre le tiroir, prend un cahier et le feuillette. Elle lit (c'est son père qui écrit) : "…''sa maladie est fatale avec des périodes sereines. Mais cette certitude m'est presque insupportable… Le besoin d'enregistrer sa désintégration progressive''…" Elle range le cahier.
Première victoire de Fontaine dans son combat pour la liberté. Grâce à une épingle, il a réussi à enlever les menottes qui emprisonnaient ses mains. Fontaine montre ses mains libres, à ses nouveaux amis. Les mains ont réussi à passer par les barreaux de la fenêtre. (Cf. '''Photogramme Main 2.''')
<span id="ancre_21p"></span>[[Fichier:mainp2.jpg|200px|thumb|right|Photogramme Main 2 : ''Un Condamné à mort s'est échappé'', '''plan 21'''. Fontaine passe ses mains libres à travers les barreaux de la fenêtre. ]]
Les détenus n'avaient plus le droit de posséder des crayons. (Jost dubitatif qui répète après Fontaine : "''fusillé pour un crayon !'' ") Fontaine a pris le soin de cacher son crayon. Il a creusé un petit trou situé dans un endroit exigu dans lequel l'on dépose le seau d'hygiène, et où le corps d'un homme ne pouvait passer. Quand il a voulu montrer sa cachette à Jost : " ''Viens voir… C'est notre crayon.''" Il lui prend la main et lui fait saisir le crayon.(Cf. '''Photogramme Main 3.''')
<span id="ancre_114p"></span>[[Fichier:mainp3.jpg|200px|thumb|right|Photogramme Main 3 : ''Un Condamné à mort s'est échappé'', '''plan 114'''. Fontaine prend la main de Jost et lui fait saisir le crayon.
]]
L'image du père de Joe mort au volant de sa voiture. (Cf. '''Photogramme Main 4'''.)
<span id="ancre_main4p"></span>[[Fichier:mainp4.jpg|200px|thumb|right|Photogramme Main 4 : ''La Luna''. Remarquez les poings serrés de l'adolescent sur la vitre.]]
Remarquez les poings serrés de l'adolescent sur la vitre. Image prémonitoire. N’anticipe-t-elle pas, en quelque sorte, la toxicomanie du jeune adolescent ?
====La parole, la main et le nombre : agents cinémantiques====
'''<span id="ancre_1ancre_3">Plan</span> 3''' : ''00' 00"'' : Ignat, un adolescent, silencieux, tient à la main gauche un [[livre]] fermé sur son doigt. Il met en marche l’interrupteur d’une télévision : télé, loin: vision au loin. C'est le premier [[miroir]], un "miroir" partiel du monde ou plus exactement, un miroir des ondes du monde, un miroir contemporain de la plate réalité. Le [[son]] avant l'image. Nous "traversons le miroir" :
'''<span id="ancre_2ancre_4">Plan</span> 4''' : ''03' 29"'' : Une femme-médecin soigne un bègue, un grand adolescent, elle lui dit :<br/>
_ " ''Comment t'appelles-tu ?''"<br/>
_ " ''Iouri Jar….ry.''"<br/>
Elle pose son [[doigt]], pointé vers le ciel, devant les [[yeux]] de Iouri : "''Regarde-moi dans les yeux''." Elle "l'attire" avec le doigt. Iouri avance, comme hypnotisé. Ensuite, elle fait [[tourner]] Iouri sur ses talons, elle pose sa main derrière sa [[tête]] : " ''Concentre ton attention sur ma main. Ma main t'attire."'' Il est attiré vers elle. (Cf. '''Photogramme Main 5''')
<span id="ancre_4pm"></span>[[Fichier:mainp5.jpg|200px|thumb|right|Photogramme Main 5 : ''Le Miroir'', plan 4. La psychothérapeute qui attire Iouri.]]
Elle se place devant lui, elle lui lève ses deux mains, à la hauteur des épaules, et tout en les tenant, elle lui dit : " ''Concentre-toi ! tout sur tes mains, tes mains se tendent. Toute ta volonté, ton désir ardent de vaincre, concentre-le dans les mains. (…). Regarde tes doigts. Les doigts se tendent. Toute ta tension va passer de là'' (elle pose sa main sur la tempe de Iouri) ''dans les doigts. Je vais dire "trois" et tes mains seront immobiles. Un, deux, trois. Les mains ne bougent plus. Tu ne peux pas les remuer, tu essaies de les remuer, impossible. Maintenant je vais effacer cette tension, et tu pourras parler, nettement, facilement. Toute ta vie tu parleras haut et net. Je supprime la tension de tes mains et de ta langue. Un, deux, trois, dis tout fort : "Je peux parler"''. Iouri dit fort : " Je peux parler".
<span id="ancre_3ancre_4a"></span>Voilà un prologue thérapeutique peu ordinaire. Dans son ''journal'' manuscrit, Tarkovski a collé les unes après les autres toutes les questions qui lui furent posées par écrit, lors d'une intervention à Kazan le 11 décembre 1979. Parmi plus de cinquante billets que le public a adressés à Tarkovski, nous lisons le billet d'un spectateur qui se demande par rapport au prologue avec le bègue : (…) "Signifie-t-il que l'on ne vous laissait pas parler, ou que, pour des raisons intérieures, vous ne pouviez pas parler ? (…) La scène … ou l'enfant (Ignat) lit la lettre de Pouchkine à Tchaadaïev, ne vient-elle pas en partie donner une explication à ceux à qui ne plaît pas votre attitude à l'égard de la Russie ?" Cette pertinente constatation est dans le droit fil des inquiétudes d'Ermarch. <ref>Filip Ermach : haut fonctionnaire, responsable du cinéma au département de la culture du Comité Central du P.C. Il deviendra en 1972, le Président du Goskino, et le restera jusqu'en 1986. </ref> Elle met l'accent sur l'audace de Tarkovski. Nous savons que le Goskino <ref>Goskino : Cinéma d’état. </ref> souhaitait qu'il (…) "crée quelque chose de nouveau, lié au progrès scientifique et technique." <ref>''Cahier Journal'' du 17 septembre 1972. ''[[Thèse:Bibliographie#ancre_1|Op. cit.]]'' </ref> Tarkovski choisit de montrer un progrès médical, qui présente néanmoins une grande ambiguïté, car cette thérapie baigne pour une très grande part dans l'irrationnel, elle fait appel à la suggestion, à l'hypnose et à la parapsychologie, c'est-à-dire à des catégories irrationnelles qui, en fin de compte n'avaient pas de place prépondérante dans un système idéologique comme le socialisme matérialiste. Par ailleurs, Tarkovski connaissait une célèbre parapsychologue géorgienne de Moscou qui s'appelait Djouna, et qui soigna, entre autres, Brejnev. <ref>Elle sera mentionnée pour la première fois dans le ''Cahier Journal'' le 26 janvier 1980 : (…) "Ermarch l'interroge sur Djouna, pour que Mossine aille la voir."Andreï Tarkovski, Cahier Journal 1970-1986, op. cit., p. 226. Le 9 octobre 1981, il ira la voir, pour qu'elle s'occupe de son champ magnétique, car il semblerait qu'Andreï Tarkovski ait possédé des facultés semblables à celles de Djouna. Op. cit., pp. 276 ; 278 ; 283. </ref>
<center>*</center>
Il s’agit des travellings sur des [[Objet|objets]] hétéroclites. Ainsi, le 4ème travelling en plongée présente : une seringue, une [[cuillère]], une boîte en fer blanc à l'intérieur duquel il y a une seringue, des pièces de monnaie, la couverture d'un livre représentant une icône, une mitraillette, une portion du sol en carrelage noir et blanc en losange, des bouts de fil barbelé, un ressort, des lambeaux de pages de livres, une sorte de vieille pipe, et enfin, flottant au-dessus de l'eau. La main du Stalker, en gros plan.
Le <span id="ancre_89"></span>plan 89 offre une vision "archéologique des objets", si nous osons dire, une espèce de vision archéologique des civilisations contemporaines. Nous constatons qu'il y a une direction de lecture.<ref> Comme le seront les plans de documentaires dans ''[[Miroir (Le)|Le Miroir]]''. </ref> Les objets défilent sous la caméra, pour aboutir enfin à la main inerte du Stalker. A quoi sert un objet, s'il n'y a pas une main pour le manipuler ? Mais quel objet choisir ? A ces questions, il faut saisir le sens qu'attribue Tarkovski à l'image cinématographique, qui est (…) "l'observation des faits dans le temps, agencés selon les formes de la vie même. Selon ses lois temporelles. Mais ces observations nécessitent une sélection. (…) L'image est cinématographique, si elle vit dans le temps et si le temps vit en elle, dès le premier plan tourné. Aucun objet, même "mort", aucune table, aucune chaise, aucun [[verre]], ne peut être filmé isolément dans un plan comme s'il se trouvait en dehors du temps."<ref> '''Andreï Tarkovski''', ''Le Temps Scellé'', ''[[Thèse:Bibliographie#ancre_1|op. cit.]]'', p. 64.</ref> Ainsi, Tarkovski ne veut pas s'éloigner des faits concrets, dont la vie réelle offre le tableau. Comme le regard d'un enfant ! Il veut, en quelque sorte, échapper à l'analyse intellectuelle, pour s'adresser à l'instinct, au spontané, à l'immédiat. C'est un regard idéal qu'il vise, et qui est difficile d'accès.
<center>*</center>