Porte

De Cinémancie
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La Neuvième Porte, de Roman Polanski.
La Neuvième Porte, de Roman Polanski.

Titres des films

Mode d'emploi de la figure (mot) et abréviations


Titre Titre original Réalisation Scénario Année Pays Durée (min.)
Neuvième Porte (La) The Ninth Gate Polanski Roman Brownjohn J., Polanski R., Urbizu E. œuvre de Pérez-Reverte Arturo. 1999 Espagne, France, USA 133
Porte de l'Enfer Jigoku-Monu Kinugasa Nagata M. Kinugasa 1953 Japon 88
Porte des Lilas Porte des Lilas Clair René Aurel J. Clair R. 1957 France 96
Porte du Paradis (La) Heaven's gate Cimino M. Cimino M. 1980 USA 150
Porte N° 6 (La) Lu-Ban Ming Chen. 1952 Chine 100
Portes de la nuit (Les) Porte des Lilas Carné M. Prévert J. 1946 France 120
The Doors The Doors Stone Oliver Jahnson R., Stone O. 1991 USA 140


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Autres titres de films

Mode d'emploi de la figure (mot) et abréviations


Titre Titre original Réalisation Scénario Année Pays Durée
Andreï Roublev (Voir détail : Andreï Rublyov) Tarkovski Andreï Tarkovski A.
Konchalovsky A.
1969 URSS 215
Boulevard du Crépuscule
§. Portes sans serrures
Sunset Boulevard Wilder Billy Brackett Charles, Marshman Jr. D. M., Wilder Billy. 1950 USA 110
Condamné à mort s’est échappé (Un) Condamné à Mort s'est échappé (Un) Bresson Robert Bresson R. Devigny A. (mémoires) 1956 France 89
Nostalghia (Voir détail : Nostalghia) Tarkovski Andreï Tarkovski A.
Guerra T.
1983 URSS
Italie
130


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Les valeurs d’une porte au cinéma

En littérature, le mot "porte" ne nous donne, par lui-même, qu'une signification étroite et restreinte. Mais au cinéma, et selon la formule de Dziga Vertov : (…) "Le cinéma est un déchiffrement documentaire du réel". L'objet "porte", représenté à l'écran, nous donne d'emblée et immédiatement un certain nombre d'indice : nombre de battant, couleur, aspect général, matérialité, décoration éventuelle, type de poignée, etc. Jean Mitry précise : (…) "Mais, il ne s'agit jamais d'une réalité "quelconque" considéré objectivement. Le "réel" tout entier, élaboré, composé, n'est saisi que pour ce qu'il peut avoir de "signifiant". Rien n'est gratuit, chaque geste, chaque objet est lourd de signification." [1] Au cinéma, il y a plus encore, il y a une transcendance temporelle du réel, qu'il s'agisse de la topographie géographique : une porte japonaise par rapport à une porte russe ou de la situation chronologique : une porte des hommes de caverne (une entrée primitive) ou d'un western. C'est en fait une transcendance transversale du réel. Nous avons placé en appendice des faits symboliques ou superstitieux, récurrents de la figure de la porte, des faits que nous rencontrons tous les temps. Il y a cependant un fait qui va nous intéresser de plus près : il s'agit de la porte d'une demeure, et notamment l'entrée principale qui joue un rôle essentiel dans la mesure où elle est un lieu de passage obligé : (…) "C'est au-dessus d'elle que sont traditionnellement accrochés porte-bonheur (fer à cheval, gui, etc.) et autres amulettes -épingles, ou paire de ciseaux plantées dans les montants par exemple - destinés à refouler les individus malveillants et les esprits qui cherche à pénétrer dans le foyer." [2] Ce point est intéressant par l'apport d'un élément supplémentaire à la structure de la porte. Nous en parlerons plus loin au IVème épisode au plan 125 du film Andreï Roublev.


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Photogrammes extraits des films - Analyse et liens spécifiques des films

Andreï Roublev, d’Andreï Tarkovski

Premières apparitions d’une porte dans le film

 
Photogramme - Porte 1 : Andreï Roublev, Plan 5. Efim, hésitant, devant la grande porte de l’église.

La première apparition directe de la figure de la porte dans Andreï Roublev, est la porte de l'église, au premier épisode. Efim, paysan-explorateur hésite d’entrer dans l’église (plan 5). Il reste relativement longtemps sur le seuil de la porte avant d'y pénétrer. (Cf. Photogramme – Porte 1.)

L'église étant une construction avec un plan à croix grecque, c'est-à-dire avec quatre côtés équidistants, Efim sort par une porte opposée à celle qu'il a prise pour entrer. A ce moment là, sur son passage, nous apercevons à gauche une troisième porte ouverte, située perpendiculairement à l'axe principal du trajet d'Efim, et à travers de laquelle on voit le cheval noir traverser le cadre.


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Au début du IIème épisode

Le point de départ de la sortie des trois moines vers le monde des hommes se situe aussi au seuil de la porte du monastère (plan 23-2). [3]

D’autre part, il reste encore à définir les apparitions indirectes de la figure de la porte. Ce sont la porte de la navigation, par l'eau et par la "porte du ciel". Cette dernière caractéristique impose au Ier épisode des mouvements verticaux de la caméra. Dans le second épisode nous avons exclusivement des mouvements horizontaux de la caméra, qui culminent avec le plan développé à 360° (à l’intérieure de la datcha), pour s'arrêter relativement longtemps devant la porte sombre de l'auberge. Au :

 
Photogramme - Porte 2 : Andreï Roublev, Plan 32. Le bouffon suspendu : 2ème cas d'inversion.

Plan 44–23 [4]: 16' 28" : Au niveau de sa structure, le plan de la porte propose une autre variante de la lucarne : avec seulement trois côtés sombres. Le quatrième côté s'ouvre vers le bas, vers le hors champ du sol, qui n'est pas à proprement parlé un hors-champ, car le sol s'étale perspectivement devant nous, vers l'arbre qui deviendra l'instrument de torture… (Voir : Les inversions du Bouffon.En particulier, le plan 32, le bouffon suspendu à la porte.) (Cf. Photogramme – Porte 2.)

 
Photogramme - Porte 3 : Andreï Roublev,Plan 44. A travers la porte, deux cavaliers qui cognent le bouffon contre un arbre.

Le plan fixe de cette porte ouverte réduit considérablement la taille de l'image. Il n'est pas seulement le théâtre des instants tragiques du bouffon, mais il devient aussi la cause (la trahison de Kyril et la présence des cavaliers-bourreaux) et les effets de cette tragédie (le châtiment par les cavaliers). (Cf. Photogramme – Porte 3.)


Il y a ici condensé admirablement la règle axiomatique de la conception classique d'une pièce de théâtre : la règle des trois unités : du temps, du lieu et de l'action. C'est un argument de plus à mettre au profit de la conception du "cinéma ouvert" de Tarkovski, dans la mesure ou cette mise en scène est ponctuelle et rare, et même unique, dans le film. Cela démontre la richesse des résolutions cinématographiques du réalisateur.

C'est à l'appui de multiples représentations de la figure de la porte, que Tarkovski réussit à déclencher différentes interprétations, et à abandonner la définition traditionnelle d'une porte, à savoir : (…) "Ouverture pratiquée dans un mur, une clôture quelconque, et qui permet d'entrer dans un lieu fermé ou d'en sortir." [5] (…) "La porte est ambiguïté fondamentale, synthèse "des arrivées et des départs" comme en témoigne Bachelard, après René Char et Albert Le Grand." [6] En général, d'un point de vue symbolique, la porte est : (…) "Le lieu de passage entre deux états, entre deux mondes, entre le connu et l'inconnu, la lumière et les ténèbres, le trésor et le dénuement. La porte ouvre sur un mystère. Mais elle a une valeur dynamique psychologique ; car non seulement elle indique un passage, mais elle invite à le franchir. C'est l'invitation au voyage vers un au-delà. (…) Le passage auquel elle invite est, le plus souvent dans l'acception symbolique, du domaine profane au domaine sacré." [7] Un exemple sur ce dernier point est le plan 10 du Ier épisode. [8]


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La colère de Kyril

Dans le troisième épisode, nous retrouvons encore la figure de la porte, après la venue du messager de Thèophane le Grec, en effet ;

Plan 64-17 : 33' 21"  : La colère de Roublev est de très courte durée, puisque avant de quitter le monastère, il se rend chez Daniel :
- Andreï Roublev : "Je suis venu te dire adieu."
- Daniel Tcherny : "Le diable a dressé une barrière entre nous." Andreï Roublev s'agenouille et embrasse la main de Daniel qui pleurait. A ce moment-là :

 
Photogramme - Porte 4 : Andreï Roublev, Plan 66. Kyril au seuil de la porte de Daniel.

Plan 66-19 : 35' 07" : Kyril ("le diable" (!) est au seuil de la porte, en apercevant la scène de la réconciliation, il s'en va. (Cf. Photogramme – Porte 4.)

Plan 68-21 : 36' 06" : Kyril portant un baluchon, traverse la cour du monastère en fustigeant les moines rassemblés : "Nous avons placé le profit au-dessus de la foi, et oublié la raison de notre sacerdoce. (…) Le monastère ressemble à un marché. " L'évêque arrive : "Sais-tu ce qui se passe pour des gens comme toi. Va-t-en chien." Kyril lui tourne le dos, et s'en va, il tombe sur un genou. Il est à noter, qu’au plan suivant, Kyril, tuera son chien avec son bâton.

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La chute de la couronne au passage d’Andreï Roublev

Au plan 124, c'est la nuit, Roublev est dans les champs, en présence d'une jeune femme. Dans le plan qui suit :

 
Photogramme - Porte 5 : Andreï Roublev, Plan 125. La couronne de paille qui tombe (la flèche verte) au passage d'Andreï Roublev.

Plan 125 - 19 : 1h 01' 10" : C'est le jour, il entre dans la cour fermée d'une ferme, il passe derrière une vieille femme qui, curieusement, se balance sur une balançoire au son strident. Elle est face à nous. Il s'arrête quelques instants. C'est en fait, un premier indice du "vieillissement"de Roublev. [9] Il traverse toute la cour, et passe sous un porche. Il fait à peine quelques pas, une couronne en paille, parmi d'autres couronnes fixées sur le porche, tombe en silence sur le sol. (Cf. Photogramme – Porte 5.)


Nous avons parlé des cas de figures de la porte. Nous avons également parlé de sa structure architectonique. Le passage, si l'on ose dire, du rationnel à l'irrationnel ou du raisonnable au superstitieux, s'effectue simplement par la fixation d'un élément hétérogène à la structure élémentaire de la porte à un niveau singulier, généralement dans sa partie supérieure. Nous voulons préciser, que le substantif "porte" doit être considéré dans un sens très large : toute ouverture pratiquée dans un mur (ou un obstacle) à savoir, de la porte d'entrée d'une maison jusqu'à la grange (comme c'est le cas ici, au plan 126.) Ensuite, en ce qui concerne les objets spécifiques de fixation, ils sont disposés en fonction de leur caractère magique, en fait essentiellement prophylactique. [10] La question de la prophylaxie est essentielle à la cinémancie. Elle s'inscrit de fait, si l'on ose dire, dans un processus pro-mancie, par l'ambition de favoriser des périodes heureuses, grâce à l'intervention d'objets spécifiques selon un rituel et une période précise. Cette question est prépondérante, nous allons la traiter par morceaux, au fur et à mesure des exemples filmiques, car elle déborde sur des figures majeures et spécifiques.


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La colère d’Andreï Roublev

Hélas, Kyril est devenu un signe qui ne trompe pas, dès qu’il est là ou dès que son image est suggérée, la colère est tout près. De retour au chantier du Jugement Dernier, (Vème episode) nous retrouvons les mêmes personnages, c’est-à-dire les compagnons de Roublev, Daniel et la sourde-muette.

Plan 180-38 [11]: 1h 28' 22" : Roublev est en proie à une excitation inhabituelle, que nous ne lui connaissons pas. Il parle sarcastiquement à Daniel et lui dit enfin : " Pourquoi des pêcheurs ? Tu appelles ça une pécheresse ! (Désignant la sourde-muette assise au sol) Même sans foulard sur la tête."

Plan 181-39 : 1h 29' 01" : Tout à coup, il sort en riant sous l'orage. Il ouvre le premier battant de la porte de l'église. Nous entendons un coup de tonnerre. La sourde-muette ramasse la paille sur laquelle elle était installée, une grande moitié tombe au sol. Le tonnerre gronde une seconde fois.

 
Photogramme - Porte 6 : Andreï Roublev, Plan 182. La sourde-muette qui suit Andreï Roublev en ouvrant la seconde moitié de la porte.

Plan 182-40 : 1h 30' 05" : La sourde-muette suit Roublev. Avant de sortir, elle ouvre la seconde moitié de la porte à double battant(Cf. Photogramme – Porte 6. )


Plan 183-41 : 1h 30' 12" : Plan général sur les compagnons stupéfaits de l'atelier de Roublev.

Fin de l'épisode.

Le plan 181 est la seconde sortie colérique dans le film. La première fut celle de Kyril au plan 68 (IIIème épisode), c'est peut être cet aspect qui établit une liaison avec Kyril. De plus, les deux sorties ont un aspect en commun : elles sont immédiatement suivies par la réaction d'un être fidèle. Près de nous, c'est la sourde-muette qui suit Roublev, au plan 68, c'est le chien qui suit Kyril. Roublev prendra la sourde-muette sous ses "ailes" alors que Kyril tuera son chien avec ses "griffes". Roublev construit, Kyril détruit.

Nous insistons sur le rôle prépondérant de la sourde-muette, car les arguments ne manquent pas pour lui attribuer une figure d'animal métamorphosé, ou plus précisément de "l'homme-animal-couché", comme elle l'était au plan 181, ou en "homme-droit", comme elle le sera dans le septième épisode, qui est une anticipation du mariage de la sourde-muette avec le chef des tatars. Mais d'autres arguments nous sont livrés dans cet épisode. C'est d'abord, comme nous venons de le voir, la correspondance avec le chien. Le second argument, c'est la présence incongrue de la paille à l'intérieur d'une église ; de plus, la sourde-muette ne portait pas de foulard – attribut féminin, pour cacher ses cheveux - mais de la paille – attribut animal. Un troisième argument issu du second, est la moitié de la paille qui tombe, et qui trouve sa correspondance avec la seconde moitié de la porte ouverte : c'est-à-dire que, comme elle n'a plus besoin d'ouvrir la première moitié pour sortir, elle n'aura plus besoin non plus de la seconde moitié de la paille pour dormir.


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Liens spécifiques du film

Voir : Andreï Roublev



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Un Condamné à mort s’est échappé, de Robert Bresson

La perception d'une porte

Michel Cournot, critique du Nouvel Observateur, discute la question de la porte dans le film de Bresson Au hasard Balthasar (1966) : (…) "Les créatures de Balthasar passent le plus clair de leur temps à ouvrir, fermer, passer et repasser des portes. Il suffit d'être un tant soi peu sensible à la transcendance, pour voir qu'une porte n'est pas simplement une ouverture pratiquée dans un mur. (…) Selon qu'elle est fermée, ouverte, fermée à clef, battante, une porte est, sans changer du tout de nature, présence ou absence, appel ou défense, perspective ou plan aveugle, innocence ou faute. (…) Dans l'état d'esprit bressonien, "universel" se dit "œcuménique" : il n'est pas "d'image plus œcuménique de l'immanence de la vie" que celle d'une porte ouverte et refermée : une porte permet aussi de signifier sans déchoir." [12]

La conclusion de Michel Cournot reste à discuter. Nous l'avons citée pour démontrer l'ampleur de la valeur de cet objet architectonique mobile. Il y a effectivement dans Au Hasard Balthasar, une place importante accordée aux portes. Mais outre la fonction de passage métaphorique, la multiplication des images de porte fermée ou ouverte indique l'inconstance et la légèreté des différents protagonistes par rapport à l'âne Balthasar, qui est malmené de bout en bout dans le film, et qui poursuit son chemin en toute innocence. Il essaye tant bien que mal de trouver une place dans cette société hostile à son égard, mais il est tout le temps méprisé. Le film ne propose pas un regard au premier degré, d'où sa perplexité. A la limite, il faut se demander s'il s'agit réellement d'un âne ou d'une métaphore qui propose l'idée d'un âne. A partir de ce constat, les portes aussi prennent une place métaphorique. Le film est en fait à considérer minutieusement, plan par plan.

Mais Au Hasard Balthasar n'est pas chez Bresson le seul film à proposer la figure de la porte.

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Le condamné s'échappe à travers une porte

 
Photogramme - Porte 7 : Un Condamné à Mort s'est échappé, Plan 32. La main de Fontaine qui « caresse » la porte de sa cellule, comme s’il caressait sa liberté.

 
Photogramme - Porte 8 : Un Condamné à Mort s'est échappé, Plan 47. Fontaine qui fait éclater un bout du cadre de la porte.

 
Photogramme - Porte 9 : Un Condamné à Mort s'est échappé, Plan 47. Fontaine qui peut, à présent, voir sa libération, à travers de sa porte.


Dans Un condamné à mort s'est échappé (Le vent souffle où il veut), le réalisateur insiste particulièrement sur la porte par laquelle le condamné à mort, Fontaine va s'échapper. Le plan 32 du film nous livre un début de réponse : c'est un gros plan de la main ouverte de Fontaine qui se ballade sur la porte de sa cellule. (Cf. Photogramme – Porte 7.)


En voix off, nous l'entendons réfléchir : " …elle (la porte) était faite de deux panneaux de six planches de chênes, dans deux cadres de même épaisseur. Dans un intervalle entre deux planches, le bois n'était pas du chêne mais un bois d'une autre couleur, du hêtre ou peuplier… Il y a sûrement un moyen pour démonter cette porte…" A partir de ce plan, toute l'activité de Fontaine sera focalisée sur cette porte et de la façon par laquelle il va s'échapper. Au plan 33, il transforme une cuillère en une sorte de ciseau à bois. Petit à petit il va réussir à démonter trois planches de la porte, se frayant ainsi un chemin pour accéder au toit de la prison. Cependant, nous ne devons pas considérer la porte uniquement pour son aspect architectonique. Elle ne représente pas seulement sa liberté, elle devient aussi sa lutte acharnée contre l'envahisseur. L'essence du bois, le chêne, représente la dureté de l'obstacle, mais elle représente aussi la dureté de l'occupant nazi. En fait, tout le charme de ce film est dans ces métamorphoses : d'un homme seul qui lutte au milieu d'une horde d'hommes sans pitié. Au plan 45, sa cuillère-ciseau se casse, il n'abandonne pas pour autant sa lutte. Au plan 47, il a réussit à obtenir deux autres cuillères. En forçant sur le cadre de la porte, afin de l'écarter, pour faire glisser les planches de chênes ; il fait éclater un bout du cadre de la porte, qui se casse et tombe par terre. (Cf. Photogramme – Porte 8.)


Là aussi, il ne s'agit pas non plus d'un morceau de bois qui s'est cassé, mais par métaphore, c'est un signe prémonitoire qui annonce qu'il va "casser" le cadre du système de surveillance nazi. (Cf. Photogramme – Porte 9.)

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Liens spécifiques du film


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Nostalghia, d’Andreï Tarkovski

Les portes de « La Chambre sans fenêtres »

Quand le Poète se trouve seul dans sa chambre d'hôtel, tous ces faits et gestes sont à considérer attentivement, c'est comme si nous entrions dans une autre dimension, celle d'un "passage" spirituel.

 
Photogramme - Porte 10 : Nostalghia, Plan 27c. A travers la porte de la salle de bain, le Poète dispose un gobelet sur le bord du lavabo, pour finalement boire directement au robinet. Pourquoi ?

Plan 27 : 19' 45" : Long plan circulaire à 360°. Le Poète ouvre les volets, il les ferme aussitôt. (27a) Il allume un néon(27b). Il se dirige vers la salle de bains. Il veut boire un verre d'eau, il pose le verre près du robinet, mais il boit directement du robinet. [13] (27c) (Cf. Photogramme – Porte 10.)

Il avance vers une armoire (27d), il ouvre les portes, elle est vide, il la referme (27 e). Il se dirige vers un meuble avec un miroir, il prend un livre (27f). Le livre toujours à la main, il l'ouvre. Un objet tombe, sans que nous sachions ce que c'est. D'après le son de la chute, c'est plutôt un bouton (d'un manteau !) qu'une pièce de monnaie. Le livre, c'est une Bible. [14] Il remarque, à la première page de la bible, une mèche de cheveux enroulée autour d'un peigne.


Le 13 août 1981, Tarkovski est à Moscou. Il n'est pas sûr de tourner le film. Il écrit dans son cahier journal : (…) "Je ne pense qu'aux problèmes italiens. (…) Pourvu que ça marche avec les Italiens ! J'ouvre l'Évangile au hasard. Saint Jean, chapitre X : " En vérité en vérité je vous le dis, celui qui n'entre pas par la porte dans la bergerie, mais qui y entre autrement est un voleur et un brigand. Mais celui qui entre par la porte est le berger des brebis. Le portier lui ouvre et les brebis entendent sa voix, et il appelle par leur nom les brebis qui lui appartiennent et il les conduit dehors." Cela n'est-il pas dit à propos de mon projet ?" [15] La bibliomancie, (…) "c'est la divination qui consiste à ouvrir au hasard une bible et à tirer un présage ou à définir une conduite d'après le passage sur lequel en a posé, sans réfléchir ou en fermant les yeux, le doigt (une épingle d'or, [16] au siècle dernier.)" [17] Dans le cas cité, nous ne sommes plus en présence d'un indice, mais d'un argument. [18] Andreï Tarkovski pratiquait donc la bibliomancie (ou encore la rhapsodomancie). Cette pratique se pose d'une façon visible dans ce film. [19] Même si le Poète, n'a pas tourné les pages de la Bible, le fait de l'avoir laissée telle quelle, témoigne déjà d'une espèce de réponse. Certes, cette pratique n'est pas unanimement perceptible. Mais le texte biblique en question détermine selon lui "le propos de son projet". Le texte a un double sens : d'une part, le sens de la vocation du cinéaste qui est d'entrer par la "porte" ; d'autre part, le sens de la vocation du film et de sa portée. Nous verrons plus loin la valeur de la "porte flanquée au milieu du grenier du Fou", une porte qui n'a aucune raison d'être (plan 60).

 
Photogramme - Porte 11 : 'Nostalghia', Plan 28. Le Poète ouvre la porte, sans que la Traductrice ait à frapper. Notez le fait que sa tête est dans l'ombre, comme si elle est absente.

Plan 28 : 22' 28" : Réponse oraculaire de la bible, le Poète ouvre la porte de la chambre. La Traductrice est en face de lui, dans l'ombre (Cf. Photogramme – Porte 11.) :

- Le Poète : "Tu as frappé ? "
- La Traductrice : "Pas encore… Je demande Moscou."
- Le Poète : "Pas encore."


Plan 30 : 22' 50" : Il sort dans le couloir sombre de l'hôtel. Il prend le livre (de poésie) des mains de la Traductrice et entre dans sa chambre, laissant la Traductrice dans le couloir, sans lui dire un mot.

 
Photogramme - Porte 12 : Nostalghia, Plan 31a. Le Poète jette le livre dans le coin droit de la chambre, devant la salle de bain.

Plan 31 : 24' 23" : (Long plan) Le Poète jette le livre qu'il a pris des mains de la Traductrice dans le coin droit de la chambre, dans un coin sombre, [20] en direction de la salle de bains (Cf. Photogramme – Porte 12.)


La Traductrice n'a pas jeté le livre, (comme il le lui demandera dans le hall de l’hôtel), lui s'en charge. Un peu plus tard, la Traductrice jettera sa brosse à cheveux dans ce même coin (plan 74e).

Au plan 31, la salle de bain s'obscurcit complètement. Quelques secondes plus tard, un mystérieux chien sort de la salle de bain (31h), contourne le lit, et se couche aux pieds du Poète, devant une grosse flaque d'eau. [21] Un verre tombe sans se casser (31i). Le poète s'endort. Il rêve.


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Le rêve, porte de la conscience

 
Photogramme - Porte 13 : Nostalghia, Plan 35a. La femme enceinte du Poète allongée sur le lit, parallèle au mur.

 
Photogramme - Porte 14 : Nostalghia, Plan 35b. Un exemple de l'éclairage particulier du film qui passe du noir (photogramme précédent) à la lumière. Le contraste de la lumière est une caractéristique filmique dans Nostalghia. Elle participe dans la représentation du concept de l'hésitation.

Plan 35a : 29' 46": Le poète se lève et quitte le lit, laissant derrière lui sa femme enceinte, allongée. Elle est dans le lit de la chambre de l'hôtel. Le lit n'est plus perpendiculaire au mur, mais parallèle. (Cf. Photogramme – Porte 13)

Plan 35b : 30' 12" : Un zoom avant lent va cadrer la femme allongée, mais au fur et à mesure, l'image va s'obscurcir complètement, jusqu'au point où le fond (nostalgique) va devenir noir. (Cf. Photogramme – Porte 14.)



Le sens s'établit à partir de la chevelure de la Traductrice, en passant par la grossesse de la femme du Poète et donc de la fertilité créatrice, pour culminer dans le fond noir, laissant illuminé le ventre gonflé de sa femme, comme une montagne magique avec à son sommet l'auréole de son espoir ! En outre, le plan 35b constitue une seconde "image-clé", car il résume "la mission" du Poète. En effet, le Poète est partagé entre deux grandes aspirations : 1. retrouver sa famille (représentée par "la maison"), 2. "sauver le monde", en traversant la piscine. Or, le plan 35b, nous présente en une seconde, les deux pôles de cette alternative : les fenêtres "fermées", qui correspondent à la 1ère mission, et la porte "ouverte" de la salle de bains, qui représente la 2nde mission. Cela explique le fait mystérieux de la sortie impromptue du chien de la salle de bain, qui annonce le dernier plan du film. De plus, l'épisode suivant du film s'attache à montrer le lien qui va unir la salle de bain et la piscine Sainte-Catherine.


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La porte inutile de « La Maison de la fin du monde »

 
Photogramme - Porte 15 : Nostalghia, Plan 60b. Le Fou traverse une porte inutile.


Plan 60 : 0h 57' 58" : Le Poète veut prendre congé. "Le Fou" l'accompagne. Ils traversent le grenier. "Le Fou" passe inutilement une porte flanquée en plein milieu de l'énorme pièce. Il prend le soin d'ouvrir la porte, de se retourner, et de la fermer calmement (60b). (Cf. Photogramme – Porte 15.)


Le Poète, lui, c'est comme s'il "traversait une autre dimension". Il passe à côté sans aucune constatation.


Liens spécifiques du film

Voir : Nostalghia


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Symbolisme

L'ouverture et la fermeture de la porte ont une grande importance dans l'histoire et le symbolisme des idées dans le monde. En Chine, il est l'alternance du Yang et du Yin, il est en rapport avec le rythme respiratoire. Dans les traditions juives et chrétiennes, c'est elle qui donne "accès à la révélation". Le Christ lui-même est, "la porte" par laquelle on accède au royaume des cieux. [22]


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Superstition

1. Le cas d'une porte qui s'ouvre seule indique une visite indésirable ou une infortune.
2. Si on entend des coups à une porte, des deux côtés de l'Atlantique on peut s'attendre à un décès.
3. Il faut se méfier de la porte qui claque, elle ne présage rien de bon et risquerait de blesser ou d'enfermer un esprit.
4. Une personne qui ferme trop violemment une porte, peut s'attendre à une mauvaise journée.
5. Des visiteurs doivent passer la même porte pour entrer et sortir de la maison, sous peine d'emporter avec eux la chance du propriétaire ou de ne jamais y revenir.
6. Se pincer le doigt en fermant une porte, le franchir à reculons ou faire demi-tour sur le seuil attire la malchance.
7. Deux personnes qui ouvrent une porte au même moment se disputeront bientôt.
8. Les Russes se répugnent à prendre congé d'un visiteur sur le pas d'une porte car une brouille suivrait, ce qu'on explique par le fait qu'une "porte est une séparation interposée, elle indique une rupture."
9. Il est maléfique de se trouver dans une pièce dont deux portes sont ouvertes en même temps et, lorsqu'on effectue une démarche importante, il faut éviter de se placer dos à une porte ouverte. [23]



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Notes et références

  1. Jean Mitry, Esthétique et Psychologie au cinéma, P.U.F. 1963, p. 238.
  2. Eloïse Mozzani, Le livre des superstitions, op. cit., p. 1472.
  3. Ensuite nous assistons à une redondance manifeste de la figure de la porte, aux plans suivants : Plan 27- 6 : A l'arrivée des moines ; plan 33-12 : Quand le bouffon est sous la pluie, et quand il est à l'envers suspendu à la porte ; plan 44-20 : L'ivrogne au bâton à l'extérieur ; plan 43-22 : Les cavaliers devant la porte à l'extérieur ; plan 44-23 : 15' 11" : Long plan moyen fixe de la porte de l'intérieur ; 15' 45" : C'est au seuil de la porte de l'auberge, que le cavalier dit au bouffon "Toi, viens ici" : ici, au seuil de la porte, au seuil de la torture ; 15' 54" : Deux cavaliers vont saisir le bouffon et le cogner contre l'arbre. (Cf. Photogramme Porte 3.) ; 16' 23": Un cavalier demande l'instrument de musique du bouffon, une espèce de lyre, il la brise sans sentiment ; 16' 34" : Kyril entre par la même porte.
  4. Le premier chiffre correspond aux plans du film depuis le début du film, le second chiffre aux plans du film depuis le début de l'épisode.
  5. Dictionnaire Hachette.
  6. G. Durand, op. cit., p. 333, cf. également, p. 366.
  7. Chevalier/Gherrbrant, Dictionnaire des Symboles, op. cit., p. 779.
  8. Un plan en plongée de la façade principale de l'église, à l'instant de l'élévation d'Efim. Nous distinguons trois bustes (de saints) en relief sur le portail de l'église situés sur une partie élevée au-dessus de la porte, trois têtes sculptées qui n'ont jamais été vues auparavant du fait de leur hauteur. Tout à coup, un homme réussit à se hisser à leur niveau, il arrive même de les dépasser, mais hélas, pas très longtemps.
  9. Là aussi, ne peut-on pas dire qu'il s'agit d'une espèce de transfert d'identité ou de résonance ?
  10. Sur cette question, Cf. Hervé Fillipetti et Janine Trotereau, Symboles et pratiques rituelles dans la maison paysanne.- Architecture et Vie Traditionnelles, op. cit.
  11. Le premier chiffre correspond aux plans du film depuis le début du film, le second chiffre aux plans du film depuis le début de l'épisode.
  12. Le Nouvel Observateur, 1966, N° 80, p. 40.
  13. Certes, c'est à juste titre que François Ramasse écrit : (…) "le déplacement du gobelet d'un côté à l'autre… n'est-il pas le geste machinal de quelqu'un qui remet un objet à sa place habituelle ?" (Présenté par Michel Estève ), Andreï Tarkovski, Études cinématographiques, N° 135-138, Éditions Lettres Modernes, Minard, Paris, 1983, p. 130.) Toutefois, ce plan "intriguant" dit beaucoup plus encore : d'une part, le déplacement du gobelet est une représentation du geste final de Gortchakov : déplacé la bougie, le lavabo devient une piscine en miniature ; d'autre part, c'est le comportement de Gortchakov qui est à prendre en considération, il s'agit en effet, d'une posture de révérence du "lieu" et à l'eau. C'est deux remarques montrent l'importance de la salle de bain.
  14. La Bible ouverte est un fait remarquable. (...) "Il semble qu'une simple Bible ouverte refoule les mauvais esprits." Éloïse Mozzani, Le livre des Superstitions, op. cit., p. 225. "De même les Romains pour y trouver les réponses divines à leurs angoisses pratiquaient une divination appelée rhapsodo-mancie (ou stichomancie), à l'aide d'ouvrage de poésie (Virgile, Homère). On ouvrait le livre au hasard, et le premier passage qui se présentait délivrait l'oracle et renseignait sur la conduite à tenir." Ibid. p. 1002.
  15. Andreï Tarkovski, Cahier Journal 1970-1986, op. cit., p. 273.
  16. Comme peut-être dans le film, la mèche de cheveux enroulée autour d'un peigne.
  17. Éloïse Mozzani, Le livre des Superstitions, op. cit., p. 228.
  18. Dans le sens peircien.
  19. Et surtout dans Andreï Roublev, avec l'exemple du livre des Ecritures.
  20. G. Bachelard, La poétique de l'espace, chapitre VI, Les coins, op. cit., pp. 130-139, l'auteur écrit : (…) "… le coin est un refuge qui nous assure une première valeur de l'être : l'immobilité. Il est le sûr local, le proche local de mon immobilité. Le coin est une sorte de demi-boîte, moitié murs, moitié porte. Il sera une illustration pour la dialectique du dedans et du dehors…", p. 131.
  21. Ce plan annonce le dernier plan du film, en tout cas, il lui ressemble.
  22. Jean 10, 9.
  23. Éloïse Mozzani, Le livre des Superstitions,op. cit., p. 687.


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